Avant-propos

En ce moment de grand bouleversement, le Groupe communautaire L’Itinéraire se fait un devoir d’accompagner ses camelots à traverser cette crise sans précédent. Le plus important magazine de rue en français au Canada sera réalisé à 100 % par une équipe à distance pour la première fois en 25 ans. Un tour de force par une équipe extraordinaire. Je suis fier de mes collègues. Je vous propose, chers lecteurs et lectrices, un billet que j’ai écrit il y a trois semaines, soit peu avant que nous décidions de suspendre l’impression du magazine. Mon texte, rédigé à la suite de l’entrevue que le premier ministre Legault a accordée à nos camelots, et à laquelle j’ai assisté, est, à mon avis, encore tout à fait pertinent.

« J’en prends note », François Legault

Je suis fier d’assister à des rencontres improbables avec des personnes vivant en précarité sociale qui sensibilisent, renseignent et informent, sous différents angles, plusieurs élus, ministres, et surtout, le premier ministre du Québec.

Souvent, on ressent une certaine empathie de la part de nos interlocuteurs à notre endroit. Comme l’a remarqué gentiment M. Legault lors de sa première entrevue avec nous : « Vos questions sont sérieuses, vous avez fait vos devoirs. Vous faites une bonne job ! » Bien oui, nous sommes sérieux et le programme fonctionne depuis plus de 25 ans. Au terme de la rencontre où nous lui avons exposé notre réalité, le premier ministre a affirmé « J’en prends note ». Merci pour les bons mots. Nous en prenons note également.

Je le répète souvent : L’Itinéraire est beaucoup plus qu’un magazine, puisque nous sommes un organisme communautaire qui soutient des gens en grande précarité.

Mais il importe également de souligner que nous sommes le plus important magazine de rue au Canada, le seul publié en français parmi la centaine de journaux de rue de l’International Network of Street Papers.

Plus de 50 % du contenu est écrit par nos camelots, des travailleurs autonomes qui participent à un programme unique d’économie sociale.

Parmi nos projets-phares : la carte-repas solidaire est un exemple parfait d’économie circulaire. Notre café de rue, La Maison Ronde, qui offre un soutien à la communauté autochtone, est un projet inspirant. Je mentionne ici l’apport de la Ville de Montréal, mais au niveau provincial, la note a sûrement été écrite sur un post-it

Malgré que nous soyons membres de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, et que nous vivons les mêmes enjeux que tous les médias, notamment avec les GAFAM, nous réalisons que nous sommes trop souvent ignorés. Combien d’années faudra-t-il encore pour que notre bimensuel soit considéré comme un média à part entière ?

L’Itinéraire, c’est 17 employés professionnels syndiqués, qui permettent à 205 camelots, 30 personnes autochtones, 17 personnes en préemployabilité sévère de s’épanouir, d’avoir une chance de s’en sortir. Notre programme de préemployabilité de première ligne fonctionne et il faut y porter une sérieuse attention. Avis aux élus : la note doit devenir un mémo !

Lendemains difficiles

Nous sommes aux lendemains du budget provincial 2020, la bourse s’est effondrée, la COVID-19 bouleverse nos habitudes de vie, notre économie, et notre magazine, donc conséquemment nos camelots. Nous n’échappons pas à ce vent de panique. La peur d’avoir peur fragilise tout l’écosystème.

La stigmatisation à un prix, les besoins primaires en souffrent. Merci de continuer de supporter l’organisme et nos camelots. On se lave les mains. Souriez, prenez note que ceci n’est pas un poisson d’avril.