Le temps des Fêtes est souvent associé aux réjouissances, aux réunions de famille, aux repas copieux, aux cadeaux et aux beaux souvenirs. Malheureusement, pour certaines personnes, ça rime également avec tristesse et solitude. Mes parents ayant divorcé le jour de Noël, j’ai toujours eu une petite aversion pour cette période de l’année. Depuis que je me suis isolé de ma famille et de mes amis, c’est encore pire.
Seul dans le parc désert, revêtu de son manteau blanc, j’étais dans mes pensées. Dans le but de me réchauffer, mais surtout pour apaiser mon anxiété, je fumais clope par-dessus clope. On aurait dit qu’à chaque fois que j’actionnais mon briquet, un souvenir apparaissait. Clic ! et je revoyais les bottes dans le bain et les manteaux sur les lits dans ma famille au Lac-Saint-Jean. Clic ! et je revoyais les tourtières, les pains-sandwichs et les mokas. Clic ! et je revoyais les jambières de gardien de but que j’avais tellement espérées en cadeau. Clic ! et je me rappelais mes enfants en bas âge, sur les genoux de mon beau-frère qui n’avait absolument rien du physique d’un père Noël. Clic… Clic… Clic ! Merde, mon briquet vient de rendre l’âme !
À ce moment, j’ai donc dû entreprendre un périple vers le seul dépanneur ouvert. En route, je voyais les gens fêter et s’enlacer dans les appartements. Je me demandais comment j’en étais arrivé là, seul et triste. Comment j’avais pu décevoir tant de gens ; des gens que j’aime profondément. Comment la honte, la culpabilité et la faible estime de moi avaient pu me paralyser à ce point, pendant si longtemps. Ce temps qui était passé trop vite…
Arrivé au dépanneur, je me faisais couler un chocolat chaud en écoutant la conversation des autres clients. Bien sûr, heureux, ils parlaient du relevé de cartes de crédit qu’ils recevraient en janvier. Encore une fois, je me demandais pourquoi, début quarantaine, je n’avais ni voiture ni carte de crédit. Je n’ai même pas un appartement à moi et je suis au centime près, jour après jour.
Au comptoir-caisse, je pris deux briquets et renfilai ma tuque et mon foulard. Au moment de partir, un des clients se tourna vers moi en me hélant: Simon? Il s’agissait d’un ami que j’avais perdu de vue depuis belle lurette. Un autre que j’avais déçu… Il ne me parla pas de l’argent que je lui devais, il était même content d’avoir de mes nouvelles. Quand il m’invita à prendre un verre chez lui, je compris que les liens de la famille ou d’amitié sont plus forts que des dettes ou des déceptions.
Je souhaite un joyeux Noël et une bonne année à toutes mes lectrices et tous mes lecteurs.
Vous venez de lire un article de l’édition du 15 décembre 2025.





