« J’ai l’habitude d’acheter chez mon épicier du fromage Kraft en tranches, deux fois par mois, raconte Pierre Fournier, camelot de L’Itinéraire. Un jour, j’ai eu la surprise de voir que la quantité avait été réduite de deux tranches ; de 16 à 14, mais pour le même prix. Ça m’a mis très en colère et ça m’a frustré. J’ai vérifié si d’autres produits avaient subi le même sort. Et j’ai constaté que oui ; les biscuits Ritz et Oreo passaient de 140 à 100 grammes toujours pour le même prix, et d’autres, comme le fromage en bandes, les croustilles et certaines céréales. »

Des contenants de jus plus étroits, des paquets de pâtes réduits de moitié… À la sortie de l’épicerie Metro où Pierre fait ses courses, certains clients disent subir les effets de la réduflation. « La bouteille de lait se fait de plus en plus petite et de plus en plus chère, mais je ne peux pas m’en passer », confie une mère de famille, appuyée sur sa poussette.

« Moi, c’est mes céréales. Le paquet a perdu 100 grammes du jour au lendemain, mais l’emballage n’a pas changé », témoigne un autre client. « Mais avant que j’en entende parler, je ne faisais pas vraiment attention. »

Pierre se rappelle des mille-feuilles de son enfance : « Avant, il était deux fois plus gros que celui qu’on achète aujourd’hui », illustre-t-il avec ses mains.

La réduflation n’est pourtant pas nouvelle. « Quasiment tout a augmenté depuis la pandémie. Il y a eu une crise inflationniste qui a vraiment bouleversé le monde, en général, explique Hélène Hétu, consultante budgétaire à l’Association coopérative d’économie familiale de la Rive-Sud (ACEF). Depuis 2008, à chaque crise ou poussée inflationniste, on y a recours. Quand c’est discret, les gens ne le remarquent pas, mais depuis 2021, c’est devenu flagrant. »

Moins + moins = plus

Mais qu’est-ce que la réduflation, concrètement ? C’est lorsque les entreprises réduisent la quantité dans les emballages sans baisser le prix du produit. Selon une base de données constituée par Radio-Canada en 2023 et dont la dernière mise à jour avait été faite en février 2025, au moment d’écrire ses lignes, sur les 300 produits recensés, les formats ont été réduits en moyenne de 14,3 %, certains allant jusqu’à 40 %.

« J’ai demandé à des consommateurs ce qu’ils en pensaient, » poursuit Pierre en entrevue. Eux aussi étaient frustrés et m’ont dit qu’ils n’avaient pas le choix. Ils sont pourtant allés se plaindre, mais sans résultat. Ils ont continué à prendre les mêmes produits, qui leur sont essentiels.

Comble du comble, « en plus de cette ignominieuse façon de faire, les prix de certains de ces produits augmentent et atteignent des sommets », s’indigne Pierre.

En avoir moins pour son argent

L’ACEF aide les personnes, surtout à faible revenu, à mieux gérer leur consommation et leur budget. Elle organise notamment des rencontres d’information pour apprendre à économiser à l’épicerie et limiter le gaspillage. « Pendant ces discussions, on a beaucoup de témoignages. Les gens ont remarqué la réduflation », affirme Hélène Hétu. « Ils trouvent que c’est du vol », ajoute-t-elle.

« Les gens payent sans même être informés sur cette pratique. Par exemple, il y a plus d’air dans le sac de croustilles, mais ça, tu ne le sais pas », ajoute la consultante budgétaire.

Selon le Baromètre de confiance 2024 d’Option consommateurs, la réduflation touche surtout les produits alimentaires, mais pas seulement. Le sondage, mené par Léger Marketing auprès de 2500 Canadiens, révèle que plus des trois quarts des répondants constatent « toujours ou souvent » une baisse de la taille, de la quantité ou de la qualité du produit, sans diminution de prix.

Acheter ou renoncer ? L’ACEF suggère une autre option : bien lire les étiquettes. C’est aussi ce que confirme l’une des mesures du projet de loi 72 qui protége les consommateurs contre les pratiques commerciales abusives et offre une meilleure transparence en matière de prix et de crédit. Cette dernière est entrée en vigueur début mai. Le tout permettant un affichage plus transparent pour des choix de consommation éclairés et une meilleure gestion de l’endettement. Les effets attendus pour les consommateurs sont de les aider à faire des choix éclairés, à éviter le surendettement en plus de bannir les pratiques trompeuses grâce à un affichage plus transparent.

Vous venez de lire un article de l’édition du 1er juin 2025.
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