Elles sont Inuit, Atikamekw et Innue. Elles ont entre 27 et 36 ans et sont engagées à défendre leur culture et à créer des ponts. Une mission qu’elles réalisent avec humour et sensibilité via les réseaux sociaux. Pour ce numéro spécial sur les cultures autochtones, L’Itinéraire s’est donc intéressé au pouvoir des plateformes numériques et à leur utilisation par les artistes Isabelle Chapadeau et Catherine Boivin ainsi que par l’experte en enjeux autochtones et blogueuse, Audrey-Lise Rock-Hervieux, trois productrices de contenus aux milliers d’abonné.e.s. Toutes les trois mamans de jeunes enfants, elles sont déterminées à ce que les traumas intergénérationnels s’arrêtent avec elles. Mais il y a encore beaucoup de méconnaissance à l’égard des autochtones. Et les changements se font attendre pour que leurs peuples puissent « exister sans toujours résister ».
Isabelle Chapaderau
« Les futures générations méritent un avenir plus que sain »
C’est en 2019 qu’Isabelle Chapadeau a créé son premier compte TikTok en anglais, inspiré par le mouvement #BlackLivesMatter. « J’y partage ma culture, je montre la réalité des Inuits, je dénonce des situations. »
Elle a ensuite ouvert un compte en français, suivi aujourd’hui par près de 47 000 personnes, car « on ne parlait pas assez de la culture autochtone sur les réseaux sociaux francophones ». Elle crée ainsi des ponts entre le Nunavik, au Québec, et le territoire du Nunavut, dans l’archipel arctique, qui ont beaucoup en commun.
L’Itinéraire s’est entretenue avec elle, par zoom, depuis le collège où elle travaille, dans le Grand Nord canadien, à plus de 2 300 kilomètres de Montréal ou 7 h 15 d’avion (avec deux escales).
Elle se réjouissait de partir le lendemain à l’aube pêcher à 5 h de Ski-Doo du village avec son conjoint et ses deux enfants. Les photos de l’expédition et celles des poissons séchés, publiées par la suite sur les réseaux, sont impressionnantes.
Une ambassadrice Inuk
Cette productrice de contenu publie régulièrement sur Instagram des images illustrant son quotidien et les enjeux sociaux dans les communautés, comme le coût exorbitant de la vie ou la crise récurrente du logement. Elle partage aussi beaucoup de ressources sur Facebook.
Elle considère les réseaux sociaux comme un point de départ pour poser des actions concrètes et mobiliser des personnes.
Depuis quelque temps, cette ambassadrice inuk publie des vidéos uniquement en inuktitut et les retours sont incroyables. « Dans la dernière année, j’ai reçu des messages venant de partout dans l’Arctique. Il y a des similarités dans nos langues. Les gens sont vraiment contents. »
Amplifier nos voix
Pour Isabelle Chapadeau, tant qu’on ne reconnaîtra pas ce qui est arrivé aux Autochtones, ce sera difficile de parler de réconciliation. Dans ce cas, elle croit que l’école a un rôle important à jouer et elle fourmille d’idées en ce sens.
« Les enfants peuvent apprendre quelques mots de la langue parlée par les communautés proches de chez eux ; les enseignants doivent raconter nos histoires et dire ce qui est arrivé aux Autochtones, sans oublier les Inuit. »
La jeune femme partage sa culture avec tact et générosité. Elle donne des conseils pour apprendre l’inuktitut, indique où vivent les Inuit au Canada, présente les vêtements traditionnels, revient sur le terme Land back. « Souvent, quand j’entends des critiques, c’est que les gens manquent d’éducation », constate-t-elle.
« Il faut respecter ceux qui crient fort pour nos droits. On a le droit d’avoir des territoires juste à nous, de se réapproprier notre culture, notre art, notre langue. On doit nous inclure dans les décisions. Les futures générations méritent un avenir plus que sain. »
Vous venez de lire un article de l’édition du 15 juin 2025.