Carmen Lahaie est une sommité dans son domaine. Présidente de l’association Autisme Montréal et mère d’un adulte autiste non-verbal de 38 ans, elle a découvert la condition de son fils Jérémie en 1981. À cette époque, on expliquait souvent aux mères qu’elles étaient responsables de l’état de leur enfant. Qu’elles ne savaient pas les aimer. On conseillait aussi aux parents de placer leurs enfants dans des institutions spécialisées. Ceux-ci se retrouvaient vite « abandonnés en psychiatrie », incompris, médicamentés, et parfois maltraités. Une situation tellement inacceptable pour Carmen Lahaie qu’elle en a fait le combat de sa vie.

Pourquoi avoir choisi de dédier votre vie à l’autisme ?
Quand mon fils a été diagnostiqué dans les années 1980, il n’existait presque aucun service destiné aux personnes autistes. Avec un petit groupe de militants, nous avons dû nous battre pour tout, par exemple pour l’ouverture de la première classe spécialisée à Montréal.

Et puis, dans les années 1990, le nombre d’autistes diagnostiqués a explosé. Mais personne ne semblait en chercher la cause. Moi je voulais comprendre pourquoi mon fils avait eu un comportement normal les 18 premiers mois de sa vie, avant de perdre tous ses acquis.

Si je n’ai jamais cessé de me battre, c’est parce que je crois qu’on peut faire quelque chose pour les générations qui arrivent.

Quels sont les grands enjeux pour les parents de personnes autistes ?
Au-delà des difficultés comportementales de certains enfants, qui découragent souvent les parents, il y a un enjeu financier. Comment voulez-vous travailler quand vous avez une personne dépendante à charge ? Oui, beaucoup de parents d’autistes vivent dans la pauvreté.

D’une manière générale, les parents sont débordés. Les services qui leur sont offerts sont coûteux et limités. Parfois, ils sont mêmes inaccessibles, tant il y a de demandes. Depuis 10 ans au Québec, la situation empire. Les budgets alloués sont insuffisants pour faire face à cette situation avec dignité.

On y pense peu, mais le logement est aussi un défi. Les voisins ne sont pas toujours très tolérants. Avec mon mari, nous avons fait le choix d’acheter une maison pour avoir la paix.

Comment ce combat a-t-il influencé votre vie ?
S’occuper d’une personne autiste laisse peu de temps pour s’occuper de soi. Et puis, j’ai perdu de nombreux amis. C’est ce qu’il se passe quand on n’est pas « conforme ». Les gens font des sorties, vont au ski, moi je me bats pour les autistes. Alors, ils prennent leurs distances.

Pourtant, mon fils est sociable. Il adore passer du temps avec des neurotypiques. Alors j’essaye d’inviter des proches, mais ce n’est pas toujours évident. En famille non plus d’ailleurs. Bien sûr, nous fêtons Noël, mon fils reçoit des cadeaux, mais je sens bien que les gens sont mal à l’aise. On nous visite rarement.

Pourtant, Jérémie a des choses à offrir. Il est généreux, câlin et passionné. Fan des Beatles, je l’ai emmené plusieurs fois voir Paul McCartney en concert. La première fois, quand il l’a reconnu tout au bout de la salle, il était si touché qu’il n’a pas pu retenir ses larmes.

 

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