Originaire du quartier Hochelaga-Maisonneuve, Shawn Rodrigue-Lemieux est devenu le premier Québécois à gagner le titre de champion du monde aux échecs dans la catégorie des moins de 18 ans. Il a eu raison de ses adversaires sur l’échiquier lors des derniers championnats du monde, qui ont eu lieu en Roumanie, en septembre dernier.

Avec cette victoire, Shawn Rodrigue-Lemieux obtient une première norme de grand maître, la plus haute distinction lors d’un tournoi aux échecs. Il devra toutefois mettre la main sur deux autres normes pour faire partie du club sélect des quelque 1200 joueurs au monde qui peuvent se targuer du statut de grand maître.

À 18 ans, il deviendrait le plus jeune Québécois à obtenir le titre, après Kevin Spraggett, Pascal Charbonneau et Thomas Roussel-Roozmon, qui l’a reçu à 22 ans.

Une probabilité plus proche que ne le pensait Shawn Rodrigue-Lemieux, lui qui a décidé de participer d’ici Noël à deux championnats mondiaux qui pourraient lui valoir la plus haute distinction décernée par la Fédération internationale des échecs (FIDE).

Début

Shawn Rodrigue-Lemieux réside encore dans le quartier qui l’a vu naître, dans Hochelaga-Maisonneuve, et poursuit ses études en sciences humaines au cégep. S’il a un vague souvenir de ses premières années du primaire à l’école Maisonneuve, il se souvient parfaitement de son premier contact avec le damier.

« Après une année au primaire dans mon quartier, j’ai changé d’école pour Fernand-Séguin, dans Ahuntsic, explique-t-il. Comme je n’habitais pas dans ce quartier, les échecs m’ont permis de me faire des amis et de sentir que j’appartenais à quelque chose. C’est après que j’ai développé ma passion pour la discipline, la concentration, la simplicité et à la fois la complexité du jeu. »

Shawn vient d’une famille modeste, d’une mère infirmière et d’un père magasinier. Les échecs n’ont jamais été une activité populaire sous le toit familial des Rodrigue-Lemieux. « C’est un pur hasard si je joue aux échecs, affirme-t-il. Même que mes parents ont toujours été hésitants à me faire manquer l’école pour aller dans les tournois. »

Disons qu’avec cette victoire, l’hésitation à faire manquer l’école à leur fils unique s’amenuisera, pense Shawn, alors que ce dernier peut maintenant espérer une réelle carrière dans ce jeu.

TDAH

Quand on demande au jeune prodige ce que les échecs lui apportent humainement, sa réponse étonne: « J’ai reçu un diagnostic du trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) très jeune, alors le développement de ma concentration, ça me sert bien dans ma vie de tous les jours, même si je suis stable et que je prends de la médication ».

Non seulement il est un modèle pour ces jeunes d’Hochelaga-Maisonneuve, un quartier qui n’a pas toujours bonne presse, mais aussi pour toutes ces personnes qui se battent avec un TDAH et qui s’empêchent de rêver grand, dit-il.

Champion du monde

Le premier voyage à l’international remonte à 2013 alors que Shawn était âgé de 9 ans. Accompagné de sa mère, il s’est rendu aux Émirats arabes unis pour participer à son premier tournoi mondial d’envergure. Une expérience qu’il n’est pas près d’oublier, parmi toutes celles vécues du haut de ses 18 ans. Le déclic de compétitionner au niveau international viendra quelques années plus tard, alors qu’il remportera un prestigieux championnat nord-américain à l’âge de 11 ans.

« Plus jeune, je n’ai jamais vraiment pensé que j’avais un talent, dit-il. En cinquième année du primaire, j’ai gagné le championnat d’Amérique du Nord des moins de 12 ans. C’était une surprise pour moi, même si on me classait premier dans le tournoi. Je ne réalisais pas ce que ça représentait, mais ça a été ma première grosse victoire. »

Si le jeune homme reconnaît avec humilité son habileté pour le jeu de la dame, du roi et des pions, il regarde sa situation avec lucidité.

« Je suis peut-être le champion mondial des moins de 18 ans, mais je suis loin d’être le meilleur jeune au monde, reconnaît-il. Il y a un joueur de 19 ans qui est 2e au monde, toutes catégories confondues. Il ne pouvait pas jouer cette année parce qu’il était trop vieux pour ma catégorie. Il y a d’autres joueurs de moins de 18 ans qui sont dans le top 30 mondial et qui n’ont pas joué en Roumanie parce qu’ils n’ont rien à prouver. Ce sont des grands maîtres depuis qu’ils ont 13 ans. Leur absence au tournoi m’a aidé, ça fait partie du jeu. »

Selon lui, les meilleurs joueurs d’aujourd’hui se trouvent en Inde. Le pays a vu les échecs grandir en popularité ces dernières décennies et fait trembler les autres délégations lors de compétitions internationales.

Shawn connaît bien les joueurs indiens, puisqu’ils s’affrontent régulièrement en ligne. D’ailleurs, c’est cette possibilité de jouer en ligne avec des adversaires en provenance des quatre coins du monde, de différents calibres, qui lui a permis de perfectionner son jeu pendant la pandémie. Il avoue que, jusqu’alors, il ne lisait que très peu sur les différentes stratégies possibles sur les 32 cases noires et blanches.