Au centre-ville du Grand Sudbury, dans le Nord de l’Ontario, le mémorial Crosses for Change compte plus de 267 croix blanches en mémoire des personnes décédées par surdose depuis 2021.
Dans cette agglomération, située à seulement sept heures de route de Montréal, le seul site de consommation supervisé (SCS) a définitivement fermé ses portes en mars 2024, faute de financement.
Depuis, les usagers de drogues consomment toujours, pour beaucoup dans l’espace public, exposés au risque d’une surdose – leur épée de Damoclès. Et à partir du 1er novembre, s’ils dérangent en inhalant ou s’injectant dans la rue, ils pourraient écoper d’une amende de 10 000 $, se faire retirer leur substance, chasser des lieux, ou encore emprisonner. Des mesures applicables par les agents de police du Grand Sudbury.
Mieux dehors que dedans?
Depuis un an, l’Ontario réoriente sa stratégie de lutte contre la crise des opioïdes. La Loi 2024 sur les soins et le rétablissement en milieu communautaire ancre cette stratégie dans les communautés, entraînant par là même, la fermeture de nombreux sites de consommation, notamment situés à moins de 200 mètres d’écoles ou de garderies.
À Toronto, trois mois après l’entrée en vigueur de cette loi, neuf SCS ont fermé leurs portes. « Les centres d’accueil ont enregistré une augmentation de 75 % des surdoses. En mai, cette hausse a atteint 175 %, et en juin, 288 % », expliquait en juillet le Toronto Drop-In Network en entrevue avec l’ONFR.
Pourtant, l’efficacité des SCS n’est plus à prouver. « Les données probantes canadiennes et internationales démontrent clairement que les services de consommation supervisée permettent de sauver des vies, mettent les gens en contact avec les services sociaux et servent de passerelle vers les traitements », rappelle le gouvernement du Canada.
Une étude publiée dans The Lancet Public Health en février 2024 montre que l’implantation de SCS torontois avait réduit de 67 % le taux de mortalité par surdose dans les quartiers situés à moins de 500 mètres d’un SCS, et jusqu’à 59 % dans un rayon de 5000 m.
Montréal compte quatre de ces lieux.
Citoyens, les derniers garde-fous
La naloxone, un puissant antidote aux surdoses d’opioïdes, est disponible gratuitement et sans ordonnance dans 240 points de service montréalais, notamment des pharmacies.
Le citoyen qui transporte ce produit devient en quelque sorte un garde-fou pour les usagers de drogues dans l’espace public. Mais encore faut-il les voir, ces consommateurs qui meurent chaque jour d’intoxication liée aux opioïdes. Car quand les SCS ferment et que les usagers de drogues risquent la surjudiciarisation pour avoir gêné la société, où vont-ils aller consommer ?
À ce triste rythme, c’est à l’odeur qu’une surdose se repérera.
Vous venez de lire un article de l’édition du 1er novembre 2025.





