Chaque deux semaines, L’Itinéraire, tiré à 8 000 exemplaires et vendu par une centaine de camelots, est lu par près de 25 000 personnes par mois. À chaque copie achetée et lue, vous, lecteurs et lectrices, apprenez à connaître les camelots et surtout, « votre camelot ». Derrière chaque exemplaire vendu se cachent des marques de solidarité et de partage. Nous avons donc décidé de partir à la rencontre de ces relations inspirantes entre les camelots et leur client.e.s.

Après les camelots Joseph Clermont Mathurin et Gabriel Lavoie, Christian Tarte, camelot depuis 2018 à la pharmacie Jean Coutu, à l’angle de la 28 e Avenue et de la rue Beaubien, a invité sa cliente Adélie à s’asseoir autour d’un café, rue Masson, pour revenir sur leur première rencontre : un solide débat de trottoir improvisé qui ne laissait rien présager de l’amitié qui s’en suivrait, sept ans plus tard.

Il n’y a pas que 40 ans qui séparent Christian et sa cliente Adélie. Leurs opinions, leurs références et leurs intérêts sont aux antipodes. Malgré leurs différences, tous deux se retrouvent en terrain commun lorsqu’ils apprennent l’un de l’autre, s’ouvrent et se montrent vulnérables. À table, ce jour-là, ils ont parlé de wokisme, d’anxiété, de dépendance et de persévérance.

Adèle : Ça fait longtemps qu’on se connaît. J’avais 15 ans. J’étais en secondaire trois. J’en ai 22 aujourd’hui. La première fois que je t’ai vu, c’était lors d’une journée pédagogique au secondaire, je pense.

Christian : En tout cas, t’étais pas à l’école. C’était mes débuts comme camelot à L’Itinéraire.

Adèle : Je m’en allais acheter un carnet pour commencer à écrire des histoires. Tu trouvais ça ridicule parce que je voulais aller à la Place Versailles alors qu’un carnet ça se trouvait partout sur la rue de ton spot de ventes de l’époque. Je voulais un nouveau carnet pour écrire à propos de ce que je ressentais à la suite d’un documentaire que je venais de visionner. Ça m’avait fait réfléchir.

Christian : Je jasais avec une femme à l’extérieur du Jean Coutu. On parlait de n’importe quoi. Quand t’es sorti, t’es arrivée avec un commentaire dont je ne me souviens plus, mais je t’avais répondu : « Hey de quoi tu te mêles toi. » Je t’avais trouvé effrontée solide.

Adèle : Je t’avais contredit.

Christian : Ton propos était bon. J’étais surpris d’entendre un bon commentaire pertinent d’une jeune fille de 15 ans. À c’t’âge-là, vous êtes toujours su’téléphone. (Rires.) Je trouvais que tu avais une tête sur les épaules. Ça m’avait donc surpris.

Adèle : Je ne sais plus ce que je t’ai dit exactement. Mais je sais que je te parlais de nuance sur la condamnation rapide des personnes aux désirs déviants. Ça fait sept ans. Je suis aujourd’hui à ma quatrième année d’université et je fais un stage en délinquance sexuelle. L’année de ma rencontre avec toi, c’est comme l’année où j’ai réalisé ce que je voulais faire dans la vie. Je me souviens qu’on a passé quatre heures à en jaser. Je l’avais noté dans le carnet que je venais de m’acheter.

Christian : C’est vrai, on avait jasé solide. D’habitude, quand ça fait 15-20 minutes que je jase avec quelqu’un, c’est le temps de passer à autre chose. Ça me fait penser que plus le temps avance, plus tu t’ouvres, sur ta vie personnelle, oui, mais aussi politiquement. On parle beaucoup de politique. Entre-temps, je suis allée au cégep du Vieux Montréal et à l’UQAM. Je suis devenue woke.

Adèle : Tu m’as tellement répété que si je devenais woke, tu ne me parlerais plus.

Christian : Je te le dis là !

Adèle : Tu me le dis là ?

Christian : Tu es devenue woke ? (Rires.)

Adèle : C’est quoi être woke?

Christian : C’est faire chier le monde !

Vous venez de lire un article de l’édition du 1er décembre 2025.
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