Jusqu’au 1er mars 2026, l’exposition Place Émilie-Gamelin : 200 ans de cohabitation sociale est présentée à l’Écomusée du fier monde. Une invitation à découvrir ce lieu emblématique, en constante mutation, où marginalité, itinérance, mobilisations sociales et revitalisation urbaine se côtoient.
Qui a droit à la ville ? Cette question fondamentale que pose d’entrée de jeu l’exposition, dans le contexte sociopolitique actuel, résonne et invite à la réflexion. À partir d’elle s’est développée la trame narrative qui décrit deux siècles d’occupation par des populations précarisées, ainsi que les tentatives de redynamisation pour changer l’image de ce territoire au cœur du Quartier Latin.
Ça ne date pas d’hier
Ce n’est pas d’hier que l’on associe la place Émilie-Gamelin à la pauvreté et à l’itinérance. Dès le début de la visite, on apprend que, vers le milieu du XIXe siècle, le site est occupé par les Sœurs de la Providence qui y offrent de l’aide aux populations paupérisées du secteur. En 1843, elles ouvrent un refuge proposant des services de dernier recours aux chômeurs, orphelins, malades et aînés issus des quartiers ouvriers avoisinants.
À quelques pas, d’autres institutions charitables s’installent progressivement, comme l’Orphelinat Saint-Alexis et l’Œuvre de la Soupe. La concentration de personnes jugées indésirables dans cet espace du centre-ville sera rapidement montrée du doigt par une bourgeoisie francophone émergente, désireuse d’un quartier différent : propre, sûr et prospère.
Un stationnement et une université
C’est en 1963 que les Sœurs de la Providence cèdent l’espace situé entre les rues Berri, De Maisonneuve, Saint-Hubert et Sainte-Catherine, moyennant la somme impressionnante de 2,3 millions de dollars (l’équivalent d’environ 43 millions aujourd’hui). Peu de temps après, la Ville y construit la station de métro Berri-De Montigny, l’actuel Berri-UQAM.
Pendant près de 25 ans, le terrain cédé sert de stationnement. Il prendra le nom de Place Émilie-Gamelin, en hommage à la fondatrice de l’Asile de la Providence, lorsqu’il sera transformé en parc à l’occasion du 350e anniversaire de Montréal.
Aujourd’hui, malgré les efforts de revitalisation visant à favoriser la cohabitation, cet espace demeure largement occupé par une population itinérante et marginalisée. La démolition, à l’été 2025, de l’ancien édifice ayant abrité le célèbre bar L’Escalier en a rendu plus d’un nostalgique, tandis que le déménagement de l’iconique restaurant Da Giovanni, quelques années auparavant, laissait déjà présager de grandes transformations pour le secteur. C’est au cœur de ces ruines et des nouvelles constructions annoncées ou initiées que la question fondamentale de l’exposition – qui a droit à la ville ? – est posée.
Pas vraiment changé
« Ce qui m’a le plus marquée en parcourant les archives, a lancé Camille Champagne-Tremblay au groupe réuni pour le vernissage, c’est qu’on se pose les mêmes questions et qu’on tire les mêmes constats sur cet espace depuis 200 ans ». Pour elle, il ne fait aucun doute que les personnes marginalisées ont le droit d’occuper cet espace de la ville, puisque « traiter ces gens, aujourd’hui, comme un problème, ce n’est pas historiquement juste ni valide », estime-t-elle.
Vous venez de lire un article de l’édition du 1er décembre 2025.





