« Chanceuse ! », m’ont lancé mes collègues quand je leur ai dit que j’allais interviewer Terry DiMonte, le morning man de CHOM FM. Je le pense aussi, moi qui suis une très grande fan de celui qui, depuis plus de 30 ans, personnifie si bien le slogan de la station : The Spirit of Rock. Terry DiMonte, un Montréalais pure laine, qui adore son boulot comme au premier jour, s’est fait un grand plaisir de répondre aux questions de L’Itinéraire.

J’ai lu quelque part que tu n’es pas un gars matinal…

C’est vrai ! Comment as-tu découvert ça ? Quand on m’a annoncé que j’avais obtenu le boulot à CHOM, en 1984, je vivais à Winnipeg. J’ai appelé mes parents pour leur dire que j’avais été embauché comme morning man à la station rock de Montréal, et ma mère a ri ! Je lui ai demandé : « Qu’est-ce qu’il y a de drôle, m’man ? » Elle m’a dit : « Tu n’arriveras jamais à te lever pour ça ! » C’est que, quand j’étais jeune, j’adorais faire la grasse matinée. Les weekends, je pouvais dormir jusqu’à 11 h 30, même jusqu’à 13-14 h ! Ma mère entrait dans ma chambre, ouvrait grands les rideaux et me criait: « Lève-toi, tu es en train de rater une belle journée ! »

Alors quand j’ai décroché ce boulot, elle se demandait comment j’arriverais à me lever. J’ai appris très jeune à dormir tard. Quand j’étais au secondaire dans le West Island, dans les années 60 et 70, cet arrondissement était en plein développement. Pendant la construction d’une nouvelle école, ils ne savaient pas où mettre tous les élèves. Alors ils ont pris une école, et tous les jeunes qui vivaient d’un côté de la rue St. John allaient en classe de 6 h à midi et ceux qui vivaient de l’autre côté y allaient de 13 h à 17 h. Je vivais de ce côté de la rue… J’ai donc appris à être un oiseau de nuit.

Mais aujourd’hui, je ne serais plus capable. L’autre soir, j’avais une réunion d’affaires avec mes collègues dans un restaurant, puis j’ai regardé ma montre et leur ai dit « désolé les gars, il est 21 h et il faut que je parte ». Mais tu as raison, je ne suis vraiment pas un gars du matin.

À quelle heure arrives-tu au studio ?

Je me réveille normalement à 3 h 30 et je quitte la maison à 4 h 10. Je vis dans Griffintown alors it’s not far et je suis assis ici dans ma chaise aux alentours de 4 h 30.

Alors comment composes-tu, depuis toutes ces années, avec le fait de te lever au milieu de la nuit pour te rendre au boulot ?

C’est que j’adore toujours mon travail ! J’ai 61 ans et j’ai débuté à 19 ans dans le métier. Et ça m’emballe encore. Chaque fois que je m’approche de ça (il pointe son micro), ça m’excite encore même après toutes ces années.

Je dirais que le plus dur dans mon boulot, c’est le réveille-matin qui me sort du lit à 3 h 30. C’est un gros effort pendant environ cinq minutes. Puis je vais prendre ma douche et après, ma journée commence automatiquement.

Mes amis me disent que ça doit être bien de commencer si tôt, parce que je finis vers 10 h 30. Ben oui ! Mais rendu à 13 h 30, j’ai déjà la moitié de ma journée dans le corps et je dois faire une petite sieste à 14 h pour pouvoir continuer.

Comment as-tu débuté à la radio ?

J’ai toujours été attiré par la radio. Quand j’étais tout petit, je devais avoir cinq ou six ans, mes parents m’ont acheté un tourne-disque en plastique, qui faisait jouer de vrais disques. Ma mère est allée au Woolworth’s à Verdun et m’a acheté un 45 tours de She Loves You des Beatles. Je le faisais jouer à répétition. Je me souviens que cette chanson-là jouait aussi sur la radio de ma mère dans la cuisine, et le petit gars que j’étais s’est dit : « C’est intéressant, ça. J’ai le disque, mais She Loves You sort aussi de la petite boîte dans la cuisine… »

À 10 ans, c’était les années des transistors, et j’écoutais la radio dans mon lit toute la soirée. J’ai toujours été fasciné par la radio. J’étais intrigué à savoir comment la voix de l’animateur arrivait jusqu’à moi.

Rendu au secondaire, je me demandais comment je pouvais entrer à la radio et je me suis informé. à 18 ans, j’ai monté un enregistrement et j’ai décroché une audition à Radio-Canada, ici juste à côté. ça ne s’est pas tellement bien passé, on ne m’a pas aimé. Mais une dame qui travaillait là m’a dit : « Je ne sais pas ce que c’est au juste, mais j’entends quelque chose dans ta voix que j’aime. » Alors elle a envoyé la cassette à Ottawa, et à 19 ans, on m’a embauché pour aller travailler dans la petite ville de Churchill, tout à fait au nord du Manitoba. C’est là que j’ai commencé et dès les premiers instants, j’ai su que c’était ça que je voulais faire dans la vie.

Tu as une belle voix de radio. J’aime ça parce que c’est ta voix que j’entends en me réveillant et tu sais quelle chanson mettre pour partir ma journée.

Ça c’est un beau compliment ! Et c’est ça la job. Je l’apprécie beaucoup. Merci !

Où étais-tu quand le 97,7, à l’époque CKGM FM, a été lancé en 1969 ?

Eh bien j’avais 11 ans, alors je n’en étais pas très conscient. Je crois que j’ai connu CHOM quand il y a eu le changement de CKGM à CHOM en 1971. J’avais alors 13 ou 14 ans. à l’époque, on écoutait le AM. J’étais un grand fan de CKVL et CFOX, qui jouaient des grands hits. Et puis, un jour, le grand frère d’un ami m’a dit : « Tu ne veux pas écouter ça, tu veux plutôt écouter ça » et il a syntonisé CHOM, qui jouait du Led Zeppelin. à partir de ce jour-là, j’ai été accroché. Vous savez ce qui est cool ? J’écoutais CHOM quand j’étais ado et maintenant, je suis assis ici !

Tu étais donc influencé par la musique de CHOM avant de venir travailler ici

Oui, comme tout le monde, d’ailleurs. Et je pense que c’est encore le cas aujourd’hui. Si tu as 14 ou 15 ans et que tu entends du Pearl Jam, Metallica ou The Tea Party, tu vas te dire : Wow ! C’est quoi ça ! C’est ce qu’il s’est passé avec moi quand j’ai entendu Supertramp, Chris De Burgh et Styx. La première fois que j’ai entendu Sweet Madam Blue, vous savez l’intro avec la guitare … (à ce moment-là le producteur Esteban Vargas, nous fait entendre les première notes de cette chanson épique)… vous savez, quand une chanson vous captive. à cet âge-là, quand vous entendez ce genre de musique, ça vous influence grandement et ça forge vos choix musicaux. En écoutant les premières notes, ça me transporte dans ma chambre quand j’avais 15 ans. La musique, c’est une machine à voyager dans le temps.

Et qu’est-il devenu de tous ces artistes qu’on n’entend plus, comme James Taylor, Loggins and Messina, Crosby, Stills & Nash… des chansons fleuves qui pouvaient durer de 12 à 15 minutes… ?

Oui, c’était des tounes qui penchaient plus vers le folk, le progressif. Elles ont pris le bord, je ne sais pas pourquoi. On ne les entend plus à la radio. Si j’avais à ouvrir une station de radio demain, je les ferais jouer. Mais j’en glisse une aussi, de temps en temps.

Quel a été le pire moment de ta carrière ?

C’était le lendemain de la fusillade de Polytechnique en 1989. C’était un moment très dur pour faire de la radio. Le soir précédent, j’étais dans un bar et bien sûr, il n’y avait pas d’internet dans ce temps-là. Au petit matin, dans mon auto pour aller travailler, je me souviens que l’animateur George Balkan sur CJAD, qui commençait une demi-heure avant moi, a affirmé : « Montréal ne sera jamais plus la même ». Arrivé au travail, j’étais en état de choc. Vous savez, quand vous faites une émission du matin depuis aussi longtemps que moi, les gens vous accueillent chez eux, dans leur cuisine, leur chambre à coucher, leur auto. Vous faites partie de leur routine. Alors quand quelque chose de terrible, qui fait mal comme ça arrive à la famille – et je considère Montréal comme une grande famille – c’est très dur de faire de la radio et de faire revivre ces événements à la famille. Ç’a été l’un des plus difficiles matins de ma vie.

Et ton meilleur moment ?

Ah, il y en a tellement eu ! Le jour qu’on m’a embauché à CHOM ou encore, le matin ouu0300 la CBC m’a envoyé à Churchill. Mais je dirais que je suis chanceux d’occuper cette chaise pour avoir pu animer le 50e anniversaire de CHOM.

Aussi, je me souviens d’avoir 15 ans et d’aller chez Sam the Record Man acheter les disques de Styx, d’être allé les voir au Forum et puis 30 ans plus tard, j’ai Dennis DeYoung assis dans le studio, juste devant moi en train de jouer du piano et de chanter. ça fait partie des moments spéciaux de ma vie.

Avez-vous contribué à lancer des carrières de grands artistes ?

Je pense à Melissa Etheridge. Je suis allé la voir à ses débuts à l’invitation de sa compagnie de disque. Je ne savais pas qui elle était. J’étais tellement emballé par elle, par sa voix, que je les ai invités, elle et son band à aller prendre un verre après le show. On s’est vraiment bien entendus dès le départ. J’ai fait jouer son album au complet. Finalement, son premier gros show d’aréna était au Forum de Montréal. Et elle ne l’oublie pas. À ce jour, elle remercie encore CHOM pour ça.

As-tu des groupes québécois que tu aimes ?

Harmonium. Jeune, la première fois que je les ai entendus, je me suis dit : « Attends, on a des groupes comme ça ici ? » En entendant Aujourd’hui je dis bonjour à la vie, avec l’intro des enfants qui jouent dans une cour d’école, je me suis dit : ça, c’est vraiment Montréal. Je ne m’en lassais pas. Je les joue encore souvent au programme. Au fil des ans, Serge Fiori et moi sommes devenus de bons amis. Il y a même Louis Valois qui m’appelle chez moi pour m’inviter à écouter leurs nouvelles tounes.

Il y a bien sûr Paul Piché, Beau Dommage, ces artistes ont réussi à traverser la frontière de la langue. Aussi, à l’époque, je me souviens de l’animateur d’origine britannique, Doug Pringle et le Québécois Serge Plaisance qui faisaient une émission. Le premier parlait français et l’autre anglais. Ça, c’est Montréal !

Gardes-tu contact avec des musiciens que tu as connus dans leurs débuts ?

Plusieurs oui. Kim Mitchell, Tom Cochrane, Melissa Etheridge, Dennis De Young, Chris De Burgh. Roger Hodgson aussi, d’ailleurs pour le 50e de CHOM, j’ai appelé sa femme pour qu’il nous enregistre un message d’anniversaire et il l’a filmé dans sa cour arrière. Tous ces artistes, quand tu es là au début de leur carrière et que tu as cru en eux au départ, ils ne vous oublient pas.

Que dites-vous à vos détracteurs qui disent que CHOM est pris dans le passé ?

Je dis bullshit. Si je regarde la liste des groupes que j’ai fait jouer ce matin, The Glorious Sons, The Struts, Metric, Arcade Fire, Greta Van Fleet, Dirty Honey…

Si ce n’était que de moi, je ne ferais jouer que du rock classique. Mais il faut avoir un équilibre. Il y a du nouveau stock qui est de la merde, mais il y a de nouveaux artistes qui sont fantastiques. Beaucoup ont grandi en écoutant du rock classique.

Et puis, on a des jeunes de 15 ans qui nous écoutent. Pour eux, Led Zeppelin, Rush et Styx, c’est du nouveau.

Mais vous savez ce qui est bien ? Aujourd’hui, les parents peuvent écouter CHOM avec leurs enfants. La musique nous unit. Moi, adolescent, je n’écoutais pas Tony Bennett avec mon père !

Tu as la fibre communautaire. Tu t’es impliqué dans plusieurs causes, le Réseau Enfants-Retour, Jeunesse au soleil, la Fondation des soins palliatifs du West Island… Que penses-tu de la situation de l’itinérance à Montréal ?

Je pense la même chose que tout le monde qui a un cœur. Y’a du monde qui tombe entre les craques. Chacun d’entre nous passons des moments difficiles, mais nous avons des gens, de la famille, des amis qui nous soutiennent. D’autres n’ont pas cette chance.

Je crois qu’en tant que société, on ne s’en préoccupe pas assez. Et notre gouvernement aussi. J’admire la mairesse qui souhaite augmenter le nombre de logements sociaux.

J’admire aussi tellement ce que vous faites à L’Itinéraire, depuis des années. Les gens ont besoin d’objectifs, d’une raison d’être. Ce que vous faites est tellement une bonne idée. ça aide les gens qui sont tombés à se relever.

Et là, Esteban l’interrompt pour qu’il fasse une intro pour la prochaine chanson : « Tu as 9 secondes. » Terry DiMonte se met en mode animation, tambourinant sur son bureau, les jambes qui gigotent… 3-2-1 : « 9 : 34. The Rock Ride continues. By the way, remember the downtown portion of the orange line is closed. They say that it’s gonna open again by noon. Moi j’pense pas, I dont think so… Rock Ride continues with new music from a group called Broken Love. The song is called Shot Down. Here on the Spirit of Rock, 97,7, CHOM ! » Juste wow !