Cet éditorial est rédigé par Johane Despins, co-porte-parole de Camelot d’un jour 2025.
De jolies tartes
Je trouve toujours particulier d’aborder le sujet de l’itinérance, quand la dernière affaire qu’on souhaite, c’est de sonner comme la grande sauveuse. Celle qui raconte la souffrance, qui se prononce sur sa nature et qui pointe du doigt, mais qui, au fond, ne peut que l’effleurer. Et je trouve ça bien correct de ressentir cette peur-là, parce qu’on est trop souvent à deux phrases de passer de l’autre bord. De se gargariser des mercis admiratifs et du doux velours de la vertu. Ça m’habite beaucoup, de ce temps-là. Et j’essaie de faire attention à ça.
Ce matin, en me rendant à la radio, les écouteurs dans les oreilles, je me préparais à livrer une chronique plutôt costaude. Une où il n’y avait pas de risette pour me sauver le cul et qui nécessite de se prendre un petit peu pour Rocky Balboa parce que, quoi qu’il advienne, chaque mot devra être livré avec aplomb, dans les temps, en espérant se rendre jusqu’au bout sans avoir honte. Sans se péter la margoulette. Et mériter la confiance et l’oreille qu’on me prête chaque semaine.
Pendant le trajet de métro, je me terre souvent dans une bulle musicale, ultra concentrée sur ce qui s’en vient. Si je te croise, il se peut fort bien que je ne te reconnaisse pas, l’œil dans la graisse de bine et le pas hâtif. Ce matin, c’est End of Beginning de Djo qui tournait en boucle dans ma vieille tête. J’aime l’état méditatif dans lequel me plonge cette chanson remplie de nostalgie, une chanson qui raconte l’histoire d’un gars qui retourne dans la ville qui l’a vu se développer en tant qu’artiste en pouvant affirmer que, ça y est, il a fini de débuter. Le genre de toune qui fait se sentir dans un vidéoclip. Je relisais mon billet quand j’ai perçu du mouvement autour de moi. Un mouvement soudain. C’est bien maudit s’isoler dans la musique, en public, parce qu’on se coupe de l’autre ; de ce qui se vit autour, en sécurité dans une petite cage de sons et dans un « c’est pas de mes maudites affaires ». Je lève la tête et je remarque que toutes les personnes qui m’entouraient un instant plus tôt se sont déplacées à l’autre bout du wagon. Mauvais signe. Mais je ne m’alarme pas, parce que, de toute façon, j’ai plus vraiment le système nerveux pour ça, être sur le gros nerf. Tout à coup, ça sent la cigarette. J’entends une voix, ou un cri, je ne sais pas, mes écouteurs, en plus de me noyer le crâne dans la musique, étouffent aussi le bruit. Je commence à comprendre que l’agitation se déroule sur le banc dos au mien.
Pour ne pas prendre de chance, le petit Sylvester Stallone que j’étais décide de s’éloigner un peu pour avoir une meilleure idée de ce qui se déroulait derrière. Une femme s’était allumé une clope. Et tout le monde avait fui, comme s’il s’agissait là d’un ouragan de catégorie 5.
Pourtant, derrière moi, juste une femme. Une femme qui vivait des affaires. C’est la seule chose qui m’apparaissait claire. Et qui avait besoin de fumer une cigarette en se rendant vers Angrignon.
Et nous, regroupés au fond du wagon, interdits, un peu tartes. Papineau est arrivé et je suis sortie, encore tarte, jetant un dernier regard aux volutes de fumée émanant de sa bouche. Je ne sais pas si elle aurait eu envie de jaser. Ou si elle avait juste besoin d’un break.
Chose certaine, elle n’avait pas besoin que 10 adultes détalent en sa simple présence.
J’espère que Frontenac a eu plus d’allure que nous autres.
Vous venez de lire un article de l’édition du 15 septembre2025.