Dans le cadre du projet d’ethnographie #AmplifierGamelin, un volet photo a été développé par Amplifier Montréal autour des habitants de la place Émilie-Gamelin. Élaboré en collaboration avec le Groupe communautaire L’Itinéraire, l’équipe était composée de l’artiste-photographe Kevin Calixte, de l’anthropologue Marie Meudec et de moi-même. L’idée était de documenter le déroulement des activités du parc Émilie-Gamelin.

Pendant plusieurs jours, j’ai passé du temps au parc Émilie-Gamelin, à la recherche de photos intéressantes, tout en observant la dynamique de l’endroit. J’ai essayé de comprendre l’interaction entre le monde de la rue et le côté plus commercial ou événementiel de la place.

Selon le moment de la journée, l’ambiance y était changeante. Le matin, l’heure est aux préparatifs et à l’installation du site : disposer les chaises, nettoyer le parc, ouvrir le resto-bar-café. L’inspection du parc est une tâche importante puisque l’on doit s’assurer que l’endroit est convivial. Il faut éviter que des bouteilles de verre brisées et même des seringues souillées ne compromettent la sécurité des usagers.

Des changements importants

Aménagé dans les années 1990, le square Berri a été transformé en Parc Émilie-Gamelin. Ceci a eu pour effet de fermer l’endroit entre minuit et 6 heures. Depuis deux ans, plusieurs changements ont été apportés par le Quartier des Spectacles dans le but de rendre la Place multifonctionnelle. Le mobilier est conçu par Pépinière & Co, une entreprise qui tente de combiner économie sociale, culture, implication des communautés locales et amélioration des milieux de vie. Le matériau privilégié est donc constitué de palettes de bois, ce qui permet de moduler l’espace pour répondre aux besoins selon les différents événements. Des ateliers de jardinage urbain, entre autres, sont offerts par Sentier Urbain.

De plus, on y retrouve des prestations de danse, de musiques de différents styles, des DJ, du karaoké, des chorales, du yoga, et d’autres ateliers divers. Un comptoir alimentaire offre un grand choix de produits à toute heure de la journée. L’environnement est contrôlé pour la consommation d’alcool; les visiteurs peuvent uniquement consommer dans l’espace réservé à cet effet. C’est probablement un moyen d’éviter les débordements.

Une récolte d’information difficile

Différents organismes communautaires assurent une présence au parc. Certains font de l’intervention sociale alors que d’autres offrent de la nourriture à ceux qui ont besoin d’aide alimentaire.

En ce qui concerne les habitués de l’endroit qui fréquentaient le parc bien avant le réaménagement, le contact a été plutôt difficile à établir. Ils refusaient de se faire prendre en photo ou de m’accorder une entrevue, et ce, même de façon anonyme.

Je suis conscient que leur réalité est souvent plus difficile que ce que l’on peut s’imaginer. Le monde de la rue est un univers dur et complexe. Je pense toutefois qu’avec le temps, nous sommes parvenus à communiquer plus facilement. En effet, nous avons quand même eu quelques entrevues qui reflètent une autre réalité des jardins, celle vécue de l’intérieur.

Pendant toutes mes journées d’observation qui ont duré environ une semaine, j’ai pu constater une importante présence policière. Bien qu’elle puisse prévenir les dérapages et rendre l’endroit plus sécuritaire, le fait de voir les policiers déambuler dans le parc peut aussi créer une ambiance négative et, à la limite, répressive. L’équilibre entre les interventions reste fragile; certaines peuvent être insuffisantes et d’autres abusives.

Bien sûr, le parc étant aussi commercial, des gardiens de sécurité sont présents. Mais, ces derniers ont un pouvoir limité lorsqu’ils interviennent. Certaines personnes qui fréquentent le parc me racontaient que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) effectuait des interventions très tôt le matin pour déloger les gens endormis.

Le centre du parc est utilisé pour les événements organisés tandis que le long des rues Sainte-Catherine au sud et de Maisonneuve au nord, les vendeurs et consommateurs de drogues y exercent leurs activités. Ces dernières sont difficiles à documenter sans se faire remarquer. J’ai dû redoubler de prudence, puisque le simple fait de tenir une caméra pouvait créer des tensions et de la méfiance de la part des gens de la rue.

Toutes sortes de personnes fréquentent le parc; que ce soit des étudiants, des touristes, des familles ou bien des itinérants. La diversité des multiples activités qui y sont offertes attire bien du monde et je trouve ça intéressant. Cependant, j’aurais aimé rencontrer plus de gens de la rue pour avoir une vision plus globale de l’endroit.

Ce projet a été réalisé en partenariat avec Amplifier Montréal.