L’entrevue a eu lieu le 25 août dernier avant l’arrivée de la deuxième vague et l’imposition de nouvelles consignes sanitaires à Montréal.

Cela ne devait être qu’une entrevue par visioconférence pour mieux connaître le personnage, l’homme derrière le scientifique. Mais c’était bien mal connaître Horacio Arruda. Le bon docteur a insisté pour que l’entrevue se fasse dans les locaux de L’Itinéraire, pour qu’il puisse rencontrer des camelots, en plus de mesurer sur le terrain l’action communautaire et l’impact des mesures sanitaires décrétées à Québec. Lors de cette visite à domicile, le Dr Arruda a pu juger de visu si L’Itinéraire respectait bien les consignes, du lavage des mains à la distanciation physique. Il a pu voir aussi tout le chemin parcouru depuis le déconfinement. Son diagnostic : « Encore plus que jamais, on peut faire confiance aux camelots ».

Dr Arruda, bienvenue à L’Itinéraire. Pourquoi avez-vous accepté de venir chez nous pour rencontrer des camelots en personne ?

Parce que je trouve important que le message que l’on porte se rende à toutes les personnes. Les camelots ne sont pas nécessairement aux points de presse et le message qu’on y passe est pour la population en général. Je voulais aussi vous entendre pour savoir comment vous vivez la pandémie.

Vous avez déjà dit que personne n’est à l’abri de l’itinérance. D’où vous vient cette sensibilité envers les sans-abri et les personnes vulnérables ?

Ça vient de mes parents. Ils m’ont toujours dit que dans la vie, on n’est pas tous chanceux de la même façon. On peut tout perdre. Pour toutes sortes de raisons, on peut se retrouver dans des chemins difficiles. Moi, j’ai reçu beaucoup. Je dis souvent à mes enfants de prendre soin des gens autour de nous qui n’ont pas eu la même chance. Et surtout de ne pas juger. C’est important de ne pas juger. Et puis, c’est dans mes fonctions officielles de m’occuper de tout le monde. Je suis très touché par les inégalités de santé. Il faut adapter nos façons d’intervenir et travailler avec les communautés et les organismes communautaires. Il faut rejoindre les populations les plus vulnérables, les itinérants, les personnes marginalisées, les utilisateurs de drogues, les gens qui vivent dans des conditions de pauvreté. À mon avis, il faut s’occuper de ces populations encore plus que des autres.

Vous avez fait votre médecine à l’Université de Sherbrooke dans les années 1980. Vous avez étudié les pandémies, convaincu que ça ne vous servirait jamais. Pourquoi alors avoir choisi cette orientation ?

J’ai fait trois ans d’ophtalmologie avant de faire de la santé publique. C’est une très belle spécialité. Mais j’ai considéré que j’étais en train de rétrécir mon champ [de pratique]. Je n’étais pas particulièrement heureux. J’ai aimé faire les années d’études, mais pas nécessairement toute ma carrière. Avec l’arrivée du sida dans les années 1970, les maladies infectieuses ont repris la pole et j’ai enseigné les pandémies. C’est l’un des premiers cours que j’ai donnés à des étudiants quand j’étais [médecin] résidant en me disant que, peut-être, cela ne m’arriverait jamais. Mais il y a eu plein d’autres épidémies. Dans les faits, je suis très content de mon choix.