« Quand on est minoritaire, parler français est un choix conscient et un effort de tous les jours », décrit la chanteuse Métis et franco-manitobaine, Geneviève Toupin, alias Willows. Une réalité souvent ignorée des groupes majoritaires que représentent les francophones du Québec et les anglophones du reste du Canada. C’est, entre autres, ce qui justifie encore la nécessité de fêter la Journée internationale de la francophonie, chaque 20 mars, sur les cinq continents. Au Canada, le mois entier lui est consacré avec les Rendez-vous de la francophonie (RVF) dont l’auteure-compositrice-interprète fransaskoise Alexis Normand est porte-parole. En entrevue, elle et Willows parlent de leur francophonie, des épreuves identitaires, de ce que leurs familles ont traversé pour qu’aujourd’hui, le français fasse partie de leur quotidien.

Alexis Normand est porte-parole des RVF 2023 et auteure du court métrage Assez French; une discussion autour de la francophonie des membres du noyau familial de l’artiste. En 18 minutes, elle fait part des réponses de sa famille au malaise, voire à la crise identitaire, vécue par l’auteure, qu’elle exprime également dans ces chansons.

Son héritage culturel est riche et fait d’elle une francophone issue d’une famille dite exogame. « Mon arrière-grand-père paternel était du Pas-deCalais, dans le Nord de la France. Arrivé au Canada, il s’est installé directement dans l’Ouest. D’abord au Manitoba, puis en Saskatchewan dans le village qui a vu naître mon père. J’ai également une branche de ma famille migrée du Québec. Ma grand-mère s’appelait Lorette Masson et était la troisième génération installée en Saskatchewan. Du côté de ma mère, mes grands-parents étaient Allemands et parlaient deux dialectes différents. En s’installant dans l’Ouest, ils ont alors adopté l’anglais pour pouvoir se comprendre. Ils ont été complètement assimilés. »

Syndrôme de l’imposteur

En écoutant Alexis Normand parler de son expérience éclair d’une année passée au Québec pour des raisons professionnelles, on comprend que pour la francophone de l’Ouest qu’elle est, s’exprimer en français à des francophones majoritaires l’a confronté à des regards jugeurs, qui donnent à comprendre que « la qualité linguistique d’un individu est représentative de sa francophonie ».

Une perception qui a par ailleurs failli lui coûter sa carrière — en français : « En 2016, je me disais que je n’allais plus jamais écrire en français. J’avais intériorisé le fait que je n’étais pas une assez bonne francophone, et donc pas assez bonne musicienne en français pour chanter dans cette langue .» Un sentiment renforcé par plusieurs remarques sur la qualité de son expression orale. « Les gens me répondaient en anglais à cause de mon accent ou me disaient: bravo, tu parles vraiment bien le français. C’était pas malicieux, mais c’était insultant pour moi. »

La compositrice arrête alors d’écrire dans sa langue maternelle. Ce, malgré le soutien qu’elle avait d’auteurs francophones québécois comme Luc de Larochellière qui relisait ses textes, tout comme le faisait Robert Léger à qui l’on doit certains grands succès du célèbre groupe Beau Dommage.

Pour poursuivre sa carrière, elle se concentre alors sur un projet parallèle, entièrement en anglais. Sitôt, l’artiste reçoit des courriels qui ajoutent de la pression à sa dualité déjà lourde à porter: « Des personnes me disaient: “voilà encore quelqu’un qui s’en va vers l’assimilation, qui choisit la route anglophone parce que c’est plus facile”. Je représente la première génération de ma communauté à avoir fréquenté une école francophone. Et c’est un gros big deal. J’avais donc l’impression de trahir la francophonie et ma communauté si j’écrivais en anglais. »

Vous venez de lire un extrait de l’édition du 15 mars 2023. Pour lire le texte intégral, procurez-vous le numéro de L’Itinéraire auprès de votre camelot.