Depuis des années, le secteur autour du Centre Robert-Guertin aux abords du ruisseau de la Brasserie dans le quartier du Vieux-Hull à Gatineau est une plaque tournante de l’itinérance dans cette ville de l’Outaouais.

Un campement de fortune insalubre où règnent la violence et le trafic de drogue y est érigé. C’est l’une des premières choses que les Gatinois voient en arrivant dans leur ville à partir de l’autoroute Guy-Lafleur. Les surdoses mortelles, les batailles, les vols s’y multiplient, en plus des incendies dans les tentes que les campeurs tentent désespérément de chauffer au Purell en hiver.

Mais depuis le 18 décembre 2023, quelque chose s’est ajouté dans ce décor peu réjouissant : un campement provisoire avec tentes chauffées, sécurisé, encadré par une équipe d’intervenants. Un projet innovant, d’un genre qui n’avait jamais été vu jusqu’à présent au Québec.

Un homme d’affaires alarmé

Retour en arrière. En septembre 2023, dans un extrait devenu viral, la mairesse de Gatineau*, France Bélisle, interpelle avec émotion le ministre responsable des Services sociaux Lionel Carmant, par rapport à la situation alarmante de l’itinérance dans sa ville après qu’une femme ait donné naissance à un enfant dans la zone boisée de ce campement. L’extrait en question a généré de vives réactions, se souvient Mme Bélisle en entrevue avec L’Itinéraire.

« Au sein même de la communauté gatinoise, des gens se sont dit : ʺOh, c’est vrai, il se passe ça chez nousʺ. Je ne compte plus les courriels et les messages reçus. On me remerciait de dénoncer une situation qui prenait de l’ampleur. Dans cette foulée, des gens se sont sentis interpellés, notamment dans le milieu des affaires à Gatineau, et se sont demandé ce qu’ils pourraient faire pour faire partie de la solution », raconte la mairesse.

Devant cette réalité inconcevable que des gens pourraient mourir de froid dans leur tente cet hiver, Jean-Pierre Poulin, président du groupe immobilier Devcore, a proposé de développer ce projet de campement sécurisé avec des tentes chauffées.

La mairesse de Gatineau l’avoue : cette idée les a d’abord déstabilisées, elle et son équipe. C’est quelque chose qui n’avait jamais été fait et ce n’est normalement pas le réflexe premier des municipalités que d’encourager des campements. Malgré les craintes, ils ont pris le risque et une entente a été conclue pour que le projet puisse occuper ce terrain de la Ville.

« Le bureau du ministre Carmant, la Ville, le réseau de la santé, personne ne voulait d’abord participer au projet, mais après un mois, devant le bilan somme toute positif, les partenaires sont contents », nous dit Nancy Martineau, coordonnatrice des projets humanitaires pour Devcore.

M. Poulin a convaincu plusieurs partenaires d’affaires d’investir. Il visait 250 000 $ et a finalement levé 350 000 $ en moins d’une semaine. En très peu de temps, 48 tentes de pêche sur glace, posées sur des palettes de bois, munies de chauffage et d’électricité, ont été montées sur le site Guertin. Dans les tentes sont fournis : lit surélevé, chaufferette, chaise, couverte chauffante et sac de couchage. Des toilettes et une roulotte, don d’un investisseur privé, d’où travaillent les intervenants, sont installées au milieu du site, entourées de clôtures et surveillées par des caméras.

« Les gens d’affaires en ont de l’argent. C’est sûr que de contribuer pour une cause et de voir des résultats comme ça rapidement, ça leur fait du bien », estime Mme Martineau qui a fait visiter le campement à L’Itinéraire lors de sa visite le 29 janvier dernier.

* NDLR : Au moment de mettre sous presse, nous apprenions que la mairesse démissionnait de son poste.

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