C’était avant la pandémie, à un moment où la COVID-19 n’avait pas encore fait ses ravages à l’échelle mondiale. Le 21 février dernier, l’équipe de L’Itinéraire, dont trois de nos camelots, s’est rendue aux bureaux montréalais de François Legault pour l’interviewer. Le premier ministre s’est fait un plaisir d’accueillir notre équipe, a répondu aux questions de nos camelots avec aplomb et a également avoué être impressionné par le sérieux de leur démarche. Lors de cette rencontre, nous avons abordé, entre autres enjeux, les logements sociaux, la précarité sociale, de même que la question autochtone, puisqu’au au moment de la rencontre, le pays était en pleine crise ferroviaire. C’était il y a une éternité… Bien sûr, le Québec a été mis sur pause, le temps que passe la crise. Mais nous avons pensé que cette entrevue – une première entre un premier ministre québécois et L’Itinéraire – saurait vous intéresser.

MOSTAPHA LOFTI

Nous vivons à Montréal, ainsi que dans d’autres villes du Québec, une importante crise du logement. Monsieur le Premier Ministre, plutôt que de construire de nouveaux ponts et de nouvelles routes, ne serait-il pas plus productif de construire des habitations pour la classe moyenne, qui n’aura plus les moyens de se loger, en ville, à la fin de votre mandat ?

D’abord, je ne pense pas qu’on ait à choisir entre les routes et les logements sociaux. Il faut faire les deux. Déjà, Andrée Laforest, notre ministre des Affaires municipales, a annoncé dans le dernier budget l’investissement de 240 millions $* dans le logement social. D’ailleurs, il y a du rattrapage à faire, et pas juste à Montréal. Dans beaucoup de grandes villes au Québec, c’est difficile d’avoir accès à des logements à prix modiques. Il faut relancer la machine parce qu’il n’y avait plus d’argent de disponible pour le logement social. C’est un vrai problème. Puis, il y a toutes sortes de logements sociaux. Il y a des logements pour des personnes seules et aussi pour les familles de cinq à six personnes. C’est difficile de trouver un logement à Montréal. Avec Valérie Plante, la mairesse de Montréal, la ministre Andrée Laforest a commencé et va continuer à investir dans le logement social, mais ça ne nous empêche pas d’investir dans les ponts, les infrastructures, le REM, le transport en commun. On veut faire les deux.

* NDLR Au moment d’écrire ces lignes, le nouveau budget provincial n’était pas connu.

Quelles autres mesures concrètes avez-vous prises jusqu’à maintenant pour faire face à la crise du logement ?

Évidemment, il y a une question de revenus. On a augmenté les prestations pour l’aide sociale. Ça va aider à payer un loyer à un prix un peu plus élevé. Il y a aussi Jean Boulet, le ministre de la Solidarité sociale, qui travaille à augmenter le salaire minimum au-dessus de l’inflation et à la réintégration à l’emploi. Il y a beaucoup de domaines, dont la santé mentale, et beaucoup de ministères qui sont concernés. Pas seulement la Solidarité sociale, les Affaires municipales et le logement social.

LYNN CHAMPAGNE

Au sujet du troisième lien, la ville de Québec a plus de kilomètres d’autoroutes par habitant que la plupart des autres villes du Canada, dont Montréal et Toronto. Elle en a même quatre fois plus que Vancouver. Monsieur le Premier Ministre, pourquoi les citoyens de la capitale ont autant besoin d’asphalte ?

D’abord, on est en train de faire un tramway à Québec. Ce n’est pas unanime, il y a des gens à Québec qui sont contre, mais on pense qu’une ville de la grosseur de Québec devrait avoir un tramway et des transports en commun pour qu’il y ait moins d’autos. En même temps, si on va sur la Rive-Sud, dans la région de Chaudière-Appalaches, incluant Lévis, les gens de ce secteur font des allers-retours à Québec tous les jours. Et, c’est en croissance. Ce n’est pas brillant comment ç’a été fait : il y a deux ponts et les deux sont l’un à côté de l’autre. Il y a une congestion aux entrées des ponts, des deux côtés, le matin et le soir. Le projet, c’est de passer du centre-ville de Lévis au centre-ville de Québec avec un tunnel dans lequel il va avoir aussi du transport en commun, un tramway. Tout comme à Montréal, les gens de la banlieue viennent travailler à Québec, ils repartent le soir et c’est congestionné. Il y a peut-être des gens de Québec qui se demandent si c’est vraiment nécessaire, mais plus on s’éloigne de Lévis, moins il y a de concentration de population. Il n’y a pas assez de gens pour avoir du transport en commun. Les gens ont besoin d’avoir une auto et si tu en as une, tu as besoin d’une voie pour passer. On va espérer par contre que ce soit de plus en plus des voitures électriques au lieu des autos avec du pétrole.

Camelots et Legault

Photo : Camille Balzinger

YVON MASSICOTTE

Monsieur le Premier Ministre, quel est votre plan concernant le transport en commun ?

On a six projets de tramway au Québec. Il y en a un à Québec, un à Gatineau et les quatre autres sont dans la grande région ici. Premièrement, il y a l’Est de Montréal. Ils sont sur l’île de Montréal, mais le problème, c’est le transport en commun pour venir au centre-ville. On va faire un tramway qui va partir de l’Est de Montréal et qui va aller jusqu’au centre-ville. Ensuite, il y a Laval qui est de plus en plus développé. À côté de la 440, il faudrait avoir un tramway là aussi. Pour la Rive-Sud, il y a deux problèmes. Il y a le boulevard Taschereau à Longueuil, où on veut aussi faire un tramway. Puis, entre Chambly et Saint-Jean, c’est difficile de se promener. Il y a des autobus pour venir à Montréal, mais pour se promener d’est en ouest sur la Rive-Sud, ça prend une auto. Donc là aussi, on regarde pour un tramway.

Au Québec, on ne produit pas de pétrole, mais on a de l’électricité en masse avec Hydro-Québec. Il faudrait que les 10 plus grandes villes au Québec fonctionnent avec des autobus électriques. On regarde aussi avec Volvo et Nova Bus pour qu’il y ait une usine d’autobus électriques au Québec. On serait donc gagnant économiquement et en environnement.

On a également des incitatifs pour les autos électriques et il va aussi falloir penser aux camions électriques. Il y a une compagnie dans les Laurentides, qui s’appelle Lion, qui travaille là-dessus. On devrait être les champions dans le domaine. On importe 10 milliards $ de pétrole par année. Si on était capable d’avoir des véhicules électriques, bien on n’aurait pas besoin d’importer autant de pétrole et on utiliserait notre électricité. Ces dernières années, on s’était fixé des objectifs pour réduire les gaz à effets de serre. On a réussi à les réduire partout sauf dans le transport. C’est une grande priorité.