Contre vents et marées, Fred Pellerin demeure le plus grand ambassadeur de son village devenu mythique grâce à lui : Saint-Élie-de-Caxton. Autour d’un bon café, nous avons discuté avec lui de ses démêlés avec l’administration municipale, de son dernier Félix, du Québec et… de Noël.

Qu’est-ce qui t’as amené à devenir un conteur ?

J’étais guide touristique à Saint-Élie-de-Caxton quand j’étais étudiant au cégep. On a créé une visite guidée qui n’existait pas avant. On m’a trouvé un tracteur avec un wagon et on m’a appris à chauffer ça. J’avais 17-18 ans. Je racontais l’histoire du village. Moé, j’ai grandi dans ce village là et je connais ben des anecdotes. Je me suis rendu compte que ce qui faisait réagir les gens, c’était ben plus les petites histoires, les cancans, les rumeurs drôlettes, que « cette maison-là a été construite en 1921 ». À partir de ce moment-là, j’ai construit de plus en plus autour de ces anecdotes, j’ai mis de la viande dessus et y’ont pris de l’ampleur.

Un jour, une bibliothécaire m’a téléphoné pour me demander d’aller faire la visite guidée dans un autre village. Ma visite guidée, elle la voulait dans sa bibliothèque. Mais là j’dis : « Madame, je vous guide dans mon village. Je peux pas amener le village ». Elle me dit : « Non, juste tes histoires ». C’est un peu là que je suis devenu conteur. Je suis juste parti avec mes histoires, sans mon village, sans mon tracteur. Pis là, ç’a pris la route. Tout est parti de là.

Quels sont tes secrets d’écriture ?

Moé, je m’inspire gros de la tradition orale. Je vais fouiller dans les collectes de contes, parce qu’y a plein de contes traditionnels qui n’appartiennent à personne. Tsé, Les trois petits cochons, La Belle au bois dormant, ça fait partie de ces contes qui se transmettent depuis la nuit des temps. On ne sait plus qui les a écrits. Le grand plaisir, c’est d’aller en prendre une version et de la transformer à ton goût. Tsé, Walt Disney a fait ça, c’est des contes traditionnels qu’il a transformés. Il y a des contes très obscurs et sombres que Walt Disney a pastellisés, illuminés. Faque moi en faite, je fouille un peu là-dedans, je fouille dans les anecdotes du village. Les personnages, ce sont tous des gens du village. Il y a plein d’éléments qui sont réels, puis j’en invente des p’tits bouttes. C’est de même que je bâtis mes histoires.

Est-ce que tu t’inspires parfois de personnes vivantes ?

Non. Il serait difficile de prendre quelqu’un de vivant, parce qu’on pourrait rencontrer la personne su’a rue, pis on verrait ben qu’il n’est pas comme je l’ai décrit. Tu dis qu’il était grand, qu’il mesurait 10 pieds et demi, pis là tu le rencontres et y mesure rien que 6 pieds 4. Tu vas être déçu. Une fois qu’il est mort, le recul nous permet d’enjoliver, de romancer. Tout le monde se rappelle qu’il était grand, pis là tout le monde en rajoute une couche et plus ça va, plus il est grand.

Tout le monde a connu Méo. Il coupait les cheveux pis y’était toujours paqueté. Tout le monde a une cicatrice à te montrer, parce que Méo avait coupé un boutte de peau ou une oreille. Méo est mort en 1993. Babine, le fou du village, est mort en 2001. Y’a plein de personnages qui sont encore très frais dans la mémoire des gens du village.