La mécanique du cerveau criminel

Malgré les atrocités et les crimes commis, les histoires d’enquêtes criminelles et judiciaires, qu’elles soient fictives ou réelles, fascinent. Avec leur popularité, les séries Narcos ou Mindhunter sont quelques exemples fictifs qui ont des scénarios crédibles.

Pour écrire Cerebrum, une fiction québécoise à mi-chemin entre l’enquête policière et le drame psychologique, Richard Blaimert a consulté des professionnels en psychologie comme en affaires policières. « L’idée est de pousser l’univers le plus loin possible, même si tout n’est pas parfait pour les spécialistes de certaines pratiques, partage-t-il. Si sur 55 scènes, je réserve 35 minutes à expliquer toutes les étapes liées à la découverte d’un corps, ça ne sera pas digeste. On exige souvent du réalisme, mais il n’est pas toujours payant dramatiquement. »

Au-delà de ces choix éditoriaux, le réalisateur croit que la fascination pour des fictions comme Cerebrum et celles que l’on classe plus dans un genre propre à l’horreur vient de notre besoin instinctif de comprendre ce qui arrive aux personnages à qui l’on s’attache. « Quand on a le bonheur de rendre ses personnages attachants pour le public, les choses les plus anxiogènes qui leur arrivent nous font vivre leur vie par procuration. »

Outre l’attachement aux personnages fictifs qui n’explique pas pour autant l’intérêt que l’on peut avoir pour les criminels du monde réel, on note un certain assouvissement de nos instincts. « Ces personnages réalisent nos pulsions les plus intimes liées au totalitarisme, aux agressions ou au sexe », analyse l’expert en psychologie légale Hubert Van Gijseghem. « C’est un peu comme si nous jouissions par procuration. Nous sommes à la fois frustrés et fascinés par quelqu’un qui défie les limites du possible. Ça fait partie de notre recherche de plaisir : nous n’avons pas le droit d’ouvrir un ventre pour voir les tripes de quelqu’un alors on aime voir quelqu’un d’autre le faire. Nos pulsions sont à la fois très destructrices et animales. »

Scopophilie

Et puis il y a le voyeurisme, qui est, selon le psychologue, lié aux traits « psychopathiques » des personnes impulsives. « Dans le cas de crimes sexuels, il y a un peu le désir de voir et de jouir du crime interdit. Son interdiction n’empêche pas de le vivre dans une fiction ou dans la pornographie par exemple : le crime sexuel contre un enfant est le moins socialement accepté, c’est d’ailleurs l’un des derniers tabous de notre société. »

M. Van Gijseghem soutient par ailleurs que de nombreuses études révèlent que la majorité de ceux qui consultent de la pornographie juvénile ont pu assouvir leurs pulsions sans passer à l’acte. Il estime que cette fascination pourrait être « bonne », car elle est exutoire et évite un passage à l’acte dans la réalité. En fait, les instincts criminels auraient suffisamment étanché leur soif de crime interdit à travers d’autres moyens.

Ce voyeurisme malsain existerait depuis toujours, la seule différence c’est qu’il s’exprime autrement aujourd’hui : en témoigne la popularité des publications de vidéos et photos criminelles et morbides sur les réseaux sociaux ou groupes de discussion sur le true crime.

À ce sujet, le psychologue rappelle que « là où il y a du voyeurisme, il y a aussi un certain exhibitionnisme. Le criminel veut montrer son exploit, être reconnu et vu par tous pour ce qu’il a fait et surtout la façon dont il l’a fait. » On peut donc supposer sans trop se tromper que plus le crime sera atroce, plus il gagnera en intérêt et popularité. Et encore plus s’il est lié au sexe, à la santé mentale ou au terrorisme.