Depuis le début de l’épidémie, en un peu plus de trente ans, le VIH a connu des avancées thérapeutiques exceptionnelles comme aucune autre pathologie dans l’histoire médicale. À partir de 1996, avec l’arrivée des antirétroviraux on voit une chute spectaculaire des décès reliés au sida et une diminution des nouveaux diagnostics.

En 2008, des scientifiques suisses publient des résultats étonnants : une personne vivant avec le VIH (PVVIH), recevant un traitement antirétroviral efficace et ne présentant pas d’infection transmissible sexuellement (ITS) ne transmet pas le VIH par voie sexuelle. Il s’agit d’une donnée majeure qui va avoir un impact.

Avec le temps, on associe de plus en plus le VIH à une maladie chronique. Aujourd’hui, non seulement les traitements permettent-ils aux PVVIH d’avoir une espérance de vie semblable aux personnes séronégatives, mais les modes de prévention thérapeutique réduisent de façon significative les taux de transmission du VIH.

Vrai

C’est ce que l’on appelle la prévention biomédicale. La prévention biomédicale consiste à utiliser des antirétroviraux pour prévenir le VIH, par exemple dépister et traiter (de 20 à 25 % des Québécois séropositifs ignorent leur statut sérologique) ; maintenir les PVVIH sous traitement et préserver une charge virale indétectable. La prophylaxie post-exposition sexuelle permet de diminuer le risque de contracter le VIH. Il s’agit de prendre une trithérapie au maximum 48 heures après avoir eu une relation à risque pendant 30 jours.

Enfin, depuis 2011, la prophylaxie pré-exposition sexuelle (PrEP) permet à des personnes séronégatives et à risque face au VIH de prendre des antirétroviraux afin de réduire le risque de contracter le virus. Les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH) figurent parmi ces populations à risque avec un taux de prévalence qui s’élève à près de 15 % à Montréal. De nombreuses études ont démontré l’efficacité remarquable de la PrEP (entre 90 et 97 %). Ce moyen de prévention est aussi efficace qu’un vaccin.

Faux

Mais la PrEP n’a pas bonne presse. Elle fait ressurgir des préjugés vieux de quelques dizaines d’années (contraception, avortement, pilule du lendemain, etc.). Parmi ceux-ci : l’utilisation de la PrEP irait à l’encontre de la prévention et augmenterait les comportements à risque. C’est possible, mais voyons ça comme un défi et non pas comme un refus de l’utiliser.

Si j’ai un patient gai dans mon bureau qui présente des problèmes de santé mentale, de stress ou de drogues, par exemple et je sais que dans quelques mois il sera positif au VIH, ce serait immoral de ma part de ne pas prescrire la PrEP. C’est un peu semblable au fait que s’il existait un vaccin, on ne vaccinerait pas les individus de crainte qu’ils n’utilisent plus le condom. De toute façon, peu de gens prendront la PrEP toute leur vie.
Autre fausse croyance : la PrEP serait responsable de l’épidémie d’ITS. Certes, la PrEP ne protège pas contre les autres infections transmises sexuellement (ITS) mais l’épidémie des ITS a commencé avant la PrEP et affecte davantage des populations qui n’ont pas accès à la PrEP telles que les jeunes, les hétérosexuels et les femmes enceintes. C’est surtout en faisant des campagnes de prévention et en réintégrant les cours d’éducation sexuelle dans les écoles que l’on parviendra à contrôler l’épidémie d’ITS.

Il est indispensable de sensibiliser les populations concernées, notamment les HARSAH comme les dispensateurs de soins, à l’accessibilité et au bien-fondé de l’utilisation de la PrEP. La discrimination qui circule face aux usagers de PrEP s’oppose et nuit à la prévention du VIH. Il y a également un travail de conscientisation à effectuer auprès de compagnies d’assurances qui acceptent de couvrir les frais de traitement mais refusent ceux de la PrEP qui peuvent prévenir la maladie. Cette problématique n’est d’ailleurs pas nouvelle. L’adage «Mieux vaut prévenir que guérir» n’est pas encore appliqué largement.

Avenir

Nous disposons de plusieurs possibilités qui, combinées, peuvent conduire à l’éradication du VIH. Les défis demeurent nombreux à relever, notamment, la discrimination face à l’orientation sexuelle et au statut sérologique, qui freine l’accès au dépistage, aux soins et à la prévention biomédicale. Il faut aussi lutter contre la criminalisation du VIH qui nuit aux efforts de santé publique. Le Canada a piètre réputation à cet égard. En conclusion, l’éradication conduit à nouveau nos sociétés vers de profonds changements d’attitudes, de pratiques et de comportements. Mais c’est là l’histoire même du VIH.