Défrayer les coûts des services d’un avocat peut s’avérer lourd pour les citoyens à faible revenu ayant des requêtes juridiques. C’est pourquoi les Juristes urbains, qu’on pourrait qualifier de justiciers sur roulettes, déplacent ainsi leur cabinet d’avocats mobiles sur le terrain. Réunis par la clinique juridique Juripop et l’organisme Lande, ils ont sillonné cet été les différents arrondissements de Montréal pour donner des consultations juridiques gratuites.

« Ce projet est unique au monde. Ça a attiré beaucoup de touristes, notamment de Boston, lors de la fin de semaine de la Formule Un. Et l’un d’entre eux s’est exclamé « Wow such a civilized city ! » Mais actuellement, nous ne sommes pas satisfaits du nombre de clients et nous distribuons des dépliants dans les maisons; nous voulons qu’ils viennent nous voir », indique Léo Parent-Sirois, chargé de projets à la Clinique juridique Juripop. Lors de leur premier week-end le 10 et 11 juin, une cinquantaine de clients ont afflué au parc Émilie-Gamelin; les bureaux étaient pleins.

« Problème criant »

C’est à la suite du cours « Modes alternatifs de résolution de conflits » donné par le professeur Pierre-Claude Lafond, de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, que Léo Parent-Sirois a découvert un intérêt pour venir en aide à une communauté appauvrie, un tison devenu braise aujourd’hui. « Le problème est criant en ce qui a trait à l’accessibilité de la justice. L’appareil judiciaire est incompréhensible et il fait peur au monde, s’alarme l’avocat de 23 ans. Par contre ce n’est pas politiquement payant; on ne gagne pas des votes et on ne crée pas de nouvelles jobs. »

Si 69u2009% des Québécois estiment qu’ils n’ont pas les moyens financiers de se défendre ou de faire valoir leurs droits devant les tribunaux, la très grande majorité d’entre eux blâment les honoraires des avocats trop élevés, selon le Rapport annuel de gestion du Ministère de la Justice 2015-2016.

Causes multiples

« Nous recevons des questions de tout genre; chaque personne est différente et il n’y a pas de cause pareille. Beaucoup de gens nous questionnent en matière de logement, alors que d’autres nous consultent pour des causes criminelles, pénales, familiales, d’immigration ou encore de fiscalité. Il n’y a jamais deux questions identiques, poursuit-il. Nous avons débuté cet été et nous espérons continuer pour les étés à venir. La réponse des citoyens est bonne », explique-t-il en mentionnant que le projet est financé par quatre importants partenaires : le Barreau du Québec, le Fonds Accès Justice, la Fondation de droit de l’Ontario et le cabinet d’avocats De Grandpré Chait.

Tout en s’adressant à une clientèle « trop riche pour l’aide juridique ou soit trop pauvres pour se payer un avocat », l’organisme dessert également des entrepreneurs de start-up.

Des droits mal connus

Conçus par deux jeunes innovateurs dans la vingtaine – Philippe Letarte, cofondateur de Lande, et Julien Pelletier, directeur général sortant de la Clinique juridique Juripop– les Juristes urbains sont issus de la fusion de ces deux OSBL. L’un aide des groupes citoyens à se réapproprier des terrains vacants de façon temporaire ou permanente à Montréal, tandis que l’autre offre des consultations juridiques gratuites ou à coût modique pour les particuliers, les travailleurs autonomes, les très petites entreprises et les organismes à but non-lucratif. « L’accès à la justice, c’est un changement dans notre culture, car les gens ne connaissent pas leurs droits. C’est pourquoi nous nous promenons de quartier en quartier pour aussi réduire les délais des tribunaux », de dire le chargé de projet.

Six avocats bénévoles partagent leurs connaissances légales au cours de blocs de trois heures – pour un total de 24 avocats par week-end. « C’est l’fun de participer à un tel événement; il y a une belle ambiance, c’est festif et convivial. Redonner à notre prochain et lui libérer un fardeau, c’est gratifiant ! Nous savons que c’est compliqué, alors nous démystifions ça pour eux. Il y a plein d’avantages d’un côté comme de l’autre. » Aller vers le citoyen, lui faire comprendre ses droits et régler les conflits sans que ça coûte des millions : ce sont quelques intentions visées par les juristes. « Nous faisons de la prévention de conflit et allons en amont. Par exemple, nous venons en aide aux personnes âgées qui doivent refaire leur testament. Il n’y a pas d’avocat qui se déplacerait autant comme nous », se plait-il à affirmer.

Il y a de quoi s’étonner, car le micro-droit qu’exerce les avocats et notaires des Juristes urbains permet de vulgariser les droits juridiques des citoyens et ce, à bord de mini-cabines sur roulettes. Êtes-vous prêts pour rouler un petit tour en toute légalité ?

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