PAR ISABELLE RAYMOND
MÉTRO JOLICOEUR

Dans l’enfance de plusieurs, l’appropriation culturelle était bien présente. Les cultures étaient très mal représentées dans les films comme les Western. Dans le monde de la bande dessinée, Tintin au Congo en est un autre exemple. Les Congolais étaient dessinés de façon grotesque et même leurs dialogues les faisaient paraitre comme des gens stupides. Tintin en Amérique n’était guère mieux. Presque tous les clichés de « l’Indien » y étaient présents.

Au cours de mes recherches sur l’appropriation culturelle, j’ai eu plusieurs réflexions concernant mes propres expériences.

Pour tous les goûts !

Lorsque j’allais en camp de vacances, ma mère me faisait faire des petites tresses comme celles portées par beaucoup de personnes d’origine africaine ou haïtienne. Était-ce mal ? Elles avaient quand même une utilité en m’évitant de me soucier de ma chevelure en camping. La brosse et moi, on n’était pas vraiment amies. C’était ma tante Diane qui me tressait. Dans sa jeunesse, elle avait beaucoup d’amies africaines qui lui ont montré comment tresser comme il faut, pour que le résultat tienne plus d’un mois.

Une autre anecdote : pour un concours de costumes, ma mère m’a fait porter un turban à la manière orientale. J’avais environ un an, et j’ai gagné. En 2018, c’est certain que ce type de costume serait inacceptable.

Je fabrique des bijoux depuis l’enfance, et j’ai toujours aimé dessiner. Ma mère aussi est habile de ses mains. Elle a du talent pour bien décorer les gâteaux de glaçages. Elle m’aidait dans les bricolages pour l’école lorsque j’étais toute petite.

Mon père, lui, a appris à utiliser la sauge, à fabriquer des capteurs de rêves, à tisser des perles pour faire des head bands, des bracelets, des colliers et des ceintures auprès d’artisans autochtones. Il avait lui-même des origines amérindiennes, bien qu’il n’ait pas grandi dans cette culture. Par contre, il s’intéressait à la spiritualité et à l’artisanat autochtones.

L’héritage de mon père

Adolescente, je faisais beaucoup de terreurs nocturnes et de paralysie du sommeil. C’était vraiment horrible ! Je n’étais pas du genre à réveiller tout le monde lorsque ça m’arrivait, je vivais cela en dedans. J’ai quand même fini par en parler à mon père. Il m’a alors fabriqué un capteur de rêves qui a soulagé mes terreurs et atténué mes cauchemars.

Puis, un jour, je suis allée avec lui dans un magasin à un dollar. Des capteurs de rêves Made in China étaient accrochés au présentoir, à un prix dérisoire. Mon père était très fâché. Il disait que ça nuisait financièrement aux vrais artisans.
Mon père travaillait très bien le suède et le cuir. Je me rappelle du bruit qu’il faisait en les perçant.

Il m’a appris à fabriquer les capteurs de rêves et à tisser avec des perles. Le tissage demande d’ailleurs énormément de patience et on n’a pas vraiment le droit à l’erreur.

Aujourd’hui, j’ai une jolie paire de boucles d’oreilles en forme de capteurs de rêves confectionnée par mon père. Puisqu’il est décédé, elle est un souvenir de lui fabriquée de ses mains, en plus de toutes ses perles et de son matériel dont j’ai hérité. Cela fait longtemps que je ne les ai pas portées, car depuis qu’on dénonce l’appropriation culturelle, je n’ose plus les mettre. Même le collier que j’ai fabriqué avec un médaillon capteur de rêves tissé de mes mains, je ne le mets plus à mon cou.

Ma grand-mère maternelle faisait des poupées, du tricot, des bougies de même que de multiples objets pratiques et décoratifs. Mes parents, eux, m’ont transmis l’amour pour l’art et le « fait à la main ». Je trouve important de valoriser le travail des artisans et d’éviter d’acheter des objets dits traditionnels d’ici, mais Made in China. Le matériel est souvent de mauvaise qualité et les personnes qui les fabriquent se font peut-être exploiter. En ce qui concerne les communautés autochtones, j’ai du respect pour elles ; raison pour laquelle je me demande si porter mes capteurs de rêves en guise de bijoux est un affront à leur culture ?