25 mars 2019 – On l’attendait avec impatience depuis près d’un an. Le bilan du dénombrement des personnes en situation d’itinérance est maintenant connu : 3149 personnes à Montréal en date du 24 avril 2018. Une augmentation estimée de 8 à 12 % en l’espace de trois années.
Financé par Ottawa et supervisé par Québec, l’enquête a aussi permis d’établir que la population itinérante s’élevait à 5789 à travers 11 régions identifiées de la province.
« Ça a été extrêmement complexe, reconnaît le Dr Eric Latimer qui a conduit l’étude pour l’Institut universitaire en santé mentale Douglas. Nous avions sous-estimé un peu l’itinérance dans les lieux extérieurs. La gestion des bénévoles ne s’est pas avérée adéquate. Il y aura des ajustements pour l’avenir. »
En tout près de 700 bénévoles et 85 organismes communautaires ont participé au dénombrement.
Malgré ses « limites » et le recours à une méthodologie « diversifiée », le dénombrement fournit un instantané de la situation « même si c’est difficile d’avoir tout le monde dans la même photo de famille », fait-on valoir.
Mais l’exercice a permis de fournir des données comparables avec d’autres grandes villes canadiennes qui aideront à l’établissement du prochain plan québécois d’action pour les années 2020 à 2025.
Pour ajuster l’offre de services
« Ce sont des données probantes qui permettront d’ajuster l’offre de services, précise Lyne Jobin, sous-ministre à la direction générale des services sociaux. Mais nous n’utiliserons pas ces données comme des critères de financement (des organismes du milieu). »
À travers l’île de Montréal, deux arrondissements comptent le plus grand nombre d’itinérants : Ville-Marie (332) et Plateau-Mont-Royal (131). Mais un nombre très important trouve refuge dans des lieux cachés (66) et dans les stations du métro (66).
Au moment du dénombrement, 2299 personnes se trouvaient hébergées par 64 organismes communautaires; 142 autres séjournaient dans des établissements du ministère de la Sécurité publique; 30 personnes étaient hospitalisées.
Au 5e rang canadien
Avec un taux de 16 personnes par 10 000 habitants, Montréal se classe au 5e rang des villes canadiennes où sévit l’itinérance, ce qui la place loin derrière Vancouver (34), Toronto (30), Calgary (23) et Edmonton (21).
Parmi les tendances observées, le Dr Latimer signale la surreprésentation des hommes, celle des Autochtones – et particulièrement des Inuits – et le faible risque des immigrants de première génération.
Selon les données, 74 % des personnes itinérantes sont des hommes; 23 % des femmes et 3 % des personnes qui ont d’autres identités de genre. Les groupes d’âge les plus affectés sont les 30 à 49 ans (39 %) et les 50 à 64 ans (32 %).
Les Inuits particulièrement à risque
Alors que les Autochtones représentent 0,6 % de la population de l’île de Montréal, 12 % des itinérants dénombrés sont issus des Premières nations. Le quart d’entre eux sont des Inuits qui ne comptent pourtant que pour 5 % de tous les Autochtones de l’île.
Les chercheurs ont noté que les immigrants de première génération sont moins susceptibles de se trouver en situation d’itinérance. Parce qu’ils font l’objet de programmes spécifiques de prise en charge, suggèrent-ils.
Des facteurs diversifiés et des besoins multiples
Les raisons qui les ont poussé à la rue sont multiples : dépendance ou toxicomanie (20 %), incapacité de payer le loyer ou l’hypothèque (18 %), perte d’emploi (12 %), conflit avec le partenaire de vie (11 %), problème de santé mentale (9 %) et conditions de logement dangereuses (8 %).
Les raisons évoquées pour ne pas avoir utilisé un hébergement d’urgence sont : la présence (réelle ou appréhendée) de punaises de lit et autres insectes (34 %), la crainte pour la sécurité (12 %), les règlements (12 %), les odeurs, le bruit et le manque d’intimité.
Parmi les besoins que les personnes aimeraient recevoir figurent de l’aide pour trouver ou garder un logement (61%), de l’aide pour trouver un emploi (40 %), des services de santé physique (36 %), des services de santé mentale (33 %), de l’aide pour résoudre des problèmes légaux (32 %) et des services pour vaincre une dépendance (26 %).
NDLR – Plus de détail dans l’édition papier du 15 avril.