En 2014, j’ai rencontré Marc Lopez, conseiller à l’emploi pour L’Arrimage, un organisme montréalais spécialisé dans l’accompagnement des personnes ayant reçu un diagnostic en santé mentale et voulant réintégrer le marché du travail. Après un deuxième congédiement en trois ans, mon moral était au plus bas et j’ai dû consulter à l’hôpital Louis-Hyppolite-Lafontaine. Diagnostic : trouble de personnalité limite.

Cette situation m’a fait perdre mes repères. Je me demandais qui allait engager un « fou » avec un « sac à merde » sur le ventre ? (NDLR : lire Je ne suis plus un sac à merde, publié dans l’édition du 1er juin 2017). Mes deux pertes d’emploi et la dépression m’ont fait perdre confiance en mes propres capacités.

Pour donner un exemple d’une de mes dernières expériences de formation professionnelle en boucherie, on m’a déjà dit que je n’avais pas de talent pour ce que je faisais. C’était traumatisant pour une personne comme moi avec des troubles de motricité.

Plusieurs semaines après, j’ai pris mon courage à deux mains et appelé Emploi-Québec. Ce sont eux qui m’ont référé à l’organisme L’Arrimage. « Notre démarche est proche de l’individu, on l’aide à trouver un employeur dépendamment de ses difficultés », explique mon conseiller en emploi Marc Lopez. Il met l’accent sur le futur en tentant de me faire oublier les mauvaises expériences.

Au quotidien, il rencontre des employeurs et tente de trouver des solutions adaptées au travailleur pour qu’il évolue sur le marché du travail, comme tout le monde. « On ne parle pas à l’employeur du diagnostic, mais plutôt des compétences, en lui expliquant les besoins spécifiques de la personne que ce soit en terme de tâches ou de cadence », ajoute-t-il. Dans mon cas, ces ajustements se font plutôt au niveau de ma santé physique parce que je dois aller régulièrement à la salle de bains pour vider ce sac que Marc appelle souvent « ma poche ».

Approche humaine

À chacune des rencontres, M. Lopez n’a émis aucun jugement sur mes difficultés. À mon sens, cette approche est plus que rassurante, car je n’ai pas une grande confiance en moi. Dès notre première rencontre, il était déjà au courant de mon problème de santé et s’il ne m’a pas caché que cela pouvait être un obstacle, il a tout de même été confiant sur mes chances de retrouver un emploi.

« Devant moi, j’ai certes une personne ayant une maladie, mais j’ai surtout une personne ayant des compétences. Et c’est cela qui m’intéresse », confie le conseiller en citant mon cas en exemple. « Quand j’approche un employeur, je ne parle pas de la maladie, mais ce dernier sait qu’il y a des besoins spécifiques auxquels il doit répondre », soutient-il. Pour le conseiller à l’emploi, les employeurs ont tout de même une certaine ouverture d’esprit face aux travailleurs ayant des besoins particuliers.

Tout ce qu’ils peuvent dire de nous à l’employeur se fera avec notre consentement. Je dois avouer que si je voulais cacher que je suis stomisé, cela ne peut pas longtemps passer inaperçu.

Réalités sans diplôme

S’il est vrai qu’il n’est pas facile d’intégrer le marché du travail sans diplôme d’études secondaires, certains emplois restent accessibles. C’est le cas des postes en entretien ménager, mon activité depuis maintenant quatre ans au Groupe communautaire l’Itinéraire.

Je dois avouer ne pas garder un bon souvenir de mes anciens employeurs. Il m’est encore difficile aujourd’hui de trouver des points positifs à ces expériences. Si je suis sorti aujourd’hui du bois, la forêt n’est jamais très loin. Ce qui doit sans doute expliquer ma peur de retourner sur le marché du travail traditionnel. C’est un peu grâce au programme PAAS-Action et à l’organisme L’Arrimage que je reprends confiance en mes capacités professionnelles et personnelles. Je sais que le processus est long, mais je me sens prêt à atteindre les objectifs que je m’étais fixé : avoir un emploi régulier, être payé à l’heure et être capable de fonctionner.

Marc Lopez rappelle que la compréhension des employeurs envers les besoins des travailleurs se joue au cas par cas. « J’ai côtoyé et je côtoie encore des employeurs qui sont très sensibles aux besoins des travailleurs et qui font de nombreux accommodements. Si dans certains cas, cela peut faire un peu peur, tout le travail de sensibilisation se fait en amont », explique le conseiller en emploi. « Nombreux sont ceux qui, à ma grande surprise, font des accommodements qui vont parfois au-delà de nos attentes. C’est vraiment difficile de dire comment on doit adapter le marché aux personnes quand on sait que c’est souvent elles qui doivent s’y adapter ».

« J’ai côtoyé et je côtoie encore des employeurs qui sont très sensibles aux besoins des travailleurs et qui font de nombreux accommodements. Si dans certains cas, cela peut faire un peu peur, tout le travail de sensibilisation se fait en amont », explique le conseiller en emploi. « Nombreux sont ceux qui, à ma grande surprise, font des accommodements qui vont parfois au-delà de nos attentes. C’est vraiment difficile de dire comment on doit adapter le marché aux personnes quand on sait que c’est souvent elles qui doivent s’y adapter ».