Le froid arctique de ces dernières semaines nous le rappelle: avoir un toit est essentiel. Non seulement à la survie, mais aussi à la stabilité sociale et économique des personnes qui franchissent une étape cruciale de leur intégration sociale: sortir de l’itinérance. Souvent jonché d’obstacles, le parcours qui mène à un toit stable et digne est un travail effectué en coulisses à L’Itinéraire.

Et Mario Saint-Denis en témoigne. Camelot et rédacteur occasionnel, grâce à sa motivation et à une collaboration tissée serrée entre le Réseau de l’Académie (RESAC) et les intervenants psychosociaux du Groupe communautaire L’Itinéraire, Mario est entré dans son nouveau studio le 29 janvier dernier.

« Je l’aime bien mon nouveau logement, il est beau. J’étais tellement content lorsque j’ai signé mon bail. Mes affaires étaient déjà préparées, même si j’avais juste cinq sacs et ma TV. »

 

La patience de se loger

« Quand les camelots demandent dans un logement subventionné, il faut tout d’abord des papiers à jour, explique Isabelle Lacharité, intervenante psychosociale du Groupe communautaire L’Itinéraire. Et pour les camelots qui arrivent de la rue comme Mario, ramasser toute la paperasse peut prendre de deux à trois mois. Il faut que la personne soit patiente et très motivée. »

Au regard de son expérience, l’intervenante est formelle : « Mario Saint-Denis est un exemple parfait de réussite ». Comme lui, d’autres camelots ont bénéficié de l’accompagnement au logement qu’effectue l’équipe de L’Itinéraire, conjointement avec le Réseau de l’Académie (RESAC), un OBNL qui offre des habitations à prix modique à des personnes à faible revenu ou à risque d’itinérance. Mais à date, Isabelle n’avait jamais vu « une personne aussi fiable que Mario. Alors, lorsqu’il a fait la demande d’accéder à un logement plus grand, elle a été immédiatement acceptée »

« Dès que je suis arrivé dans mon ancienne chambre sur la rue Laval, j’ai eu hâte de changer de place. Ça faisait deux ans que j’y étais. Il y avait des vendeurs [de drogue] autour. Et la chambre était bien, mais j’entendais tout le temps crier. »

 

Logés, mais à quel prix

« Je me rappelle d’un camelot qui, en hiver, venait tôt le matin à L’Itinéraire et allait s’allonger, collé à la chaufferette de la salle de bain, parce qu’il avait eu frette toute la nuit », raconte le directeur du développement et de l’impact social de L’Itinéraire, Charles-Éric Lavery.

À L’Itinéraire, une part des camelots vit encore l’itinérance, qu’elle soit visible, ou cachée comme la vivait Mario. Deux tiers de ceux qui ont un toit au-dessus de la tête occupent des maisons de chambre ou des logements privés ; une situation locative plus pénible qu’autre chose lorsqu’on doit assumer 100% du loyer, explique M. Lavery : « Si ton loyer est de 600 $ et que ton aide sociale est de 628 $, il faut accepter de consacrer une majorité de tes revenus au logement. Surtout, tu acceptes de ne pas pouvoir te passer de l’aide des organismes pour te nourrir, compléter tes revenus, etc. »

Pour le dernier tiers des camelots en logement, ces derniers sont subventionnés ou sont à loyer modique, grâce à ces précieux partenariats avec le Réseau de l’Académie et l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM), qui offre un programme de subvention au logement, destiné aux plus précaires. « Un travail de longue haleine », précise Charles-Eric Lavery.

Le Réseau de L’Académie réserve au Groupe L’Itinéraire 12 appartements répartis dans deux de leurs immeubles subventionnés, appelés Phase 5 et Phase 7. L’ organisme peut y loger respectivement cinq et sept camelots.

La phase 5 est un passage obligé. Il sert en quelque sorte de « tremplin » vers un logement durable. Pendant deux ans, les camelots doivent démontrer leurs aptitudes à gérer leur budget, tenir propre leur appartement, et vivre en collectivité avec le voisinage sur du long terme, comme l’a fait Mario Saint-Denis.

 

« Chez moi, c’est toujours propre et jamais rien ne traîne. On m’a appris à être comme ça quand j’étais jeune. J’avais des parents sévères, moi. Mais ça m’a servi pour réussir à avoir mon nouvel appartement. »

 

Les ressources ont des limites

Charles-Éric Lavery est sans aucun doute satisfait des collaborations entre L’itinéraire et ses partenaires. Il avoue cependant que les besoins sont criants, et que les ressources actuelles ont leurs limites. « Nous, on n’a pas d’intervenant attitré pour accompagner spécifiquement les démarches de logement. Et l’équipe répond aussi à beaucoup d’autres besoins : alimentaires, médicaux, administratifs, etc. »

L’Itinéraire accompagne 150 camelots vers l’autonomie à l’aide de seulement trois intervenants, précise le directeur. Alors « avoir une ressource dédiéepermettrait de faciliter certaines démarches et surtout de développer d’autres partenariats aussi humains que celui d’avec le RESAC. »

Il rappelle aussi réalistement qu’ « il pourrait arriver quelque chose à Mario demain qui le ferait retomber dans la rue. » La ligne est toujours mince. Alors oui, « ça nous prendrait plus de ressources, même si notre approche actuelle a clairement fait ses preuves ». Et quand on parle de ressources, on parle aussi du nerf de la guerre: les subventions, sachant que « L’Itinéraire ne reçoit aucune aide financière visant spécifiquement le travail de soutien au logement réalisé par les intervenants », conclut-il.