Fierté et valorisation, voilà la mission que s’est donné L’Atelier par l’apprentissage des métiers d’art pour des personnes ayant des problèmes de santé mentale.

Que ce soit du tissage traditionnel, tissage Saori, vitrail, bijoux, couture, émail sur cuivre, sérigraphie, broderie ou impression sur tissus; créer fait appel à l’imagination, à l’audace et à la persévérance tout en développant coordination, dextérité, concentration et mémoire. Depuis sa création en 1971 et avec ses véritables trésors d’ingéniosité, cette ressource alternative en santé mentale contribue à diminuer le recours à l’hospitalisation, brise l’isolement et aide à accroître le sentiment d’appartenance tout en développant le sens des responsabilités.

Un exutoire pour le stress

Linda Messier, 53 ans, ancienne vendeuse à l’entrepôt du Château, a vécu plusieurs dépressions et des crises d’angoisse en plus d’avoir subi un grave accident de voiture il y a 15 ans, qui l’a plongée dans le coma pendant six mois. Elle souligne que sa première dépression a éclaté à l’âge de 12 ans. « Je viens d’un milieu familial à problèmes; il y avait des chicanes 24 heures sur 24, soupire-t-elle. J’ai perdu beaucoup d’emplois car je n’étais pas capable de travailler avec le stress. Et rien faire à la maison, je ne suis pas capable non plus. »

Adepte de couture et de tissage traditionnel depuis deux ans, elle trouve à L’Atelier un havre de paix. « J’aime la création et j’ai besoin de parler, m’exprimer et aussi me sentir utile et faire quelque chose de manuel. Les professeurs ici sont très gentils, personne ne me pousse et j’y vais à mon rythme. Je ne suis pas capable de travailler sous pression, souffle-t-elle. Et en plus, on gagne un petit montant. C’est nous qui faisons ces pièces d’artisanat et c’est une grande source de fierté ! »

Pourquoi venir à L’Atelier ?

« Pour la valorisation de créer de belles choses et aussi pour socialiser beaucoup, indique Catherine Dupuis, directrice générale de l’organisme. Ce sont des gens qui sont très isolés, alors juste de se sentir écoutés c’est pour eux un point inestimable. Il y a aussi la routine de se lever le matin et d’avoir un objectif dans la journée. Ne jamais cesser d’apprendre et prendre conscience qu’on est toujours en mesure de le faire. De plus, 50 % du prix de vente revient à l’artisan, c’est un petit bonus, mais pas un salaire. Ça donne un sens à la vie; on travaille beaucoup avec l’estime d’eux, la confiance en eux, le sentiment d’appartenance. Faire partie d’un projet, c’est comme être prenante de la société. »

Sortir la tête hors de l’eau

Daniel Fortier, 58 ans, ancien opérateur de machinerie lourde, occupe ses mains à créer du vitrail à raison de deux séances par semaines et ce, depuis trois ans et demi. Épileptique, deux AVC dans son parcours de vie dans le même mois, souffrant d’apnée du sommeil, de tremblements, il est allé jusqu’à même perdre la mémoire complètement suite à ses AVC. « Je ne me rappelais plus de ma femme, ça duré 10 jours, 27 jours à l’hôpital au total, en plus d’une cirrhose du foie qui a atteint 70% de sa gravité, difficultés à trouver des donneurs, tachycardie… » Voilà un grand malade qui tente de se sortir la tête hors de l’eau et, il réussit grâce à L’Atelier.

« J’ai commencé comme artiste-peintre chez moi et j’ai vendu quelques-unes de mes toiles. Le vitrail est devenu un loisir. Pour moi c’est valorisant et en même temps je peux offrir des cadeaux à mes parents. Aussi, je ne sens pas mes symptômes de dépression quand je viens ici », affirme-t-il avec une fierté non dissimulable en nous montrant une de ses plus récentes œuvres d’art : un poisson rouge en trois dimensions qu’il transformera en veilleuse.

Pas de l’art-thérapie

« C’est un travail artistique manuel et créatif, c’est thérapeutique, mais ce n’est pas de l’art-thérapie car on ne travaille pas avec des art-thérapeutes, précise Mme Dupuis. Mais des études démontrent qu’il y a un lien avec les gens qui fréquentent des organismes alternatifs en santé mentale; ils vont mieux, mais il n’y a pas de lien direct avec les admissions à l’urgence psychiatrique. »

Sens artistique requis?

Est-ce qu’il faut avoir un certain sens artistique pour participer à L’Atelier? « Pas du tout; le talent artistique ça se travaille. Pour certains c’est plus naturel, mais tout le monde peut arriver à de beaux résultats ! , confirme Mme Dupuis. C’est de la réinsertion sociale pour nos 40 participants Transart. Un programme qui permet de se mobiliser et ne pas rester statique; quand on n’a pas d’estime de soi, on ne peut pas être très performant. » Victime de sa popularité, la liste d’attente pour participer à L’Atelier s’étire sur plusieurs mois…

C’est le nombre de participants qui fréquentent L’Atelier soit un, deux, trois ou cinq jours par semaine. Épaulés par une équipe de 15 employés et de deux enseignantes du Centre de ressources éducatives et pédagogiques (CREP), ils affluent dans cet atelier d’artisanat du centre-ville de Montréal.

3 Programmes pour personnes ayant un vécu de la détresse psychologique

  1. Transart vers l’emploi qui constitue un programme préparatoire à l’emploi (PPE). Ce programme est financé par Emploi-Québec et rendu possible grâce au partenariat avec le Centre de ressources éducatives et pédagogiques (CREP). L’an dernier, 30 % des participants ont trouvé un travail suite à leur passage à Transart, 24% sont retournés aux études et 8 % ont opté pour une autre mesure sociale. Ce qui correspond à un taux de placement de 62 %.
  2. Regart, de son côté, est un programme favorisant l’insertion sociale qui permet de reprendre du pouvoir sur sa vie, développer son autonomie, briser l’isolement, retrouver sa confiance en soi et se sentir utile. Précisons toutefois que les personnes intéressées doivent s’inscrire sur une liste dont l’attente peut être de plusieurs mois. Les femmes y sont largement présentes (83%). Près de deux tiers des participants (59%) sont âgés de 45 ans et plus. L’Atelier est de plus en plus connu des immigrants ; le tiers (39 %) des participants est, en effet, d’une autre origine ethnique.
  3. Action, le troisième programme, sert d’aide et d’accompagnement social (PAAS), il est également financé, en partie, par Emploi-Québec et par le partenariat avec le CREP. Les participants à ce programme sont majoritairement des femmes à hauteur de 88 % et la moyenne d’âge se situe à 38 ans. Pour l’instant, ce programme se compose de 18 participants.

L’art-thérapie à l’université. Par ailleurs, l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) a récemment inauguré au centre-ville de Montréal des locaux consacrés à l’enseignement de l’art-thérapie. Ceux-ci accueilleront des étudiants inscrits à la maîtrise et au microprogramme de 2e cycle en art-thérapie et ce, dès l’automne prochain. Précisons que l’UQAT est la seule université en Amérique du Nord à offrir des programmes en art-thérapie en français. L’art-thérapie vise la compréhension et la résolution de problèmes, le soulagement de l’angoisse et de la souffrance psychologique et physique ou simplement l’évolution et le mieux-être psychologique.

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