D’entrée de jeu, je vous dirais que la présente édition contient des reportages « hard ». Des sujets pas faciles, mais qui suscitent des émotions et une réflexion sur la fragilité – et les forces – qui nous habitent tous.

En effet, discuter de trouble de stress post-traumatique (TPST) avec le général Roméo Dallaire, qui a été témoin direct des atrocités du génocide rwandais, de même qu’avec le père d’un soldat qui a connu les horreurs de la guerre en Afghanistan met en lumière les terribles séquelles vécues par ces hommes. Cependant, nos reportages mettent également en lumière leur résilience et leur espoir de les surmonter.

On se souviendra qu’il y a plusieurs années, Roméo Dallaire avait vécu très publiquement la période la plus pénible de sa vie. Ce général à la carrure militaire et au fort caractère s’était littéralement échoué après avoir été au centre d’un des pires cauchemars humanitaires de notre histoire, l’un qui l’a laissé brisé et isolé.

C’est au moment le plus sombre de sa vie qu’il a crié à l’aide, mais la réponse n’est pas venue des Forces armées canadiennes à qui il a consacré toute sa vie. Il aura fallu qu’il se tourne vers le côté des Américains pour comprendre, puis tenter de surmonter cet état que l’on nomme désormais trouble du stress post-traumatique.

En exposant publiquement la profonde détresse qu’il avait vécue, le général a été l’un des catalyseurs pour amorcer une franche discussion sur ce désordre psychologique et dévastateur. Et, grâce à lui et à d’autres, les choses commencent à changer tranquillement, non seulement au sein des forces armées, mais chez les policiers et premiers intervenants qui font face à des situations extrêmement stressantes et dramatiques.

En parler

Roméo Dallaire, Photo : Milton Fernandes

De tout temps la thérapie par la parole, le partage et l’entraide font partie de la solution chez les gens qui ont été marqués au fer rouge par la vie. Roméo Dallaire et ses semblables, ainsi que des civils l’ont compris.

En effet, nous avons presque tous vécu d’importants traumatismes au cours de nos vies. Selon les statistiques, les trois quarts de la population canadienne et québécoise seraient atteints d’un TPST après avoir subi un événement qui les a marqués profondément, qu’il s’agisse d’un accident, d’une agression sexuelle, d’un incendie ou tout autre occurrence qui a fait craindre pour notre vie.

De plus, ces événements entraînent souvent d’autres problèmes connexes comme l’alcoolisme, la dépendance aux médicaments ou des douleurs physiques. L’isolement, la honte et la culpabilité sont également le lot des survivants. Et, chose certaine, ces chocs laissent des traces indélébiles. Mais elles ont l’avantage de s’estomper avec le temps, et surtout quand on accepte d’en parler et de chercher de l’aide.

Si on ne peut pas revenir « comme avant », comme le souligne le général Dallaire, on peut ressortir grandi et apte à aider les autres, en choisissant cette voie. C’est ce qui est encourageant chez l’être humain.

Sujet choquant

Autre reportage choc dans cette édition, celui proposé par notre camelot-rédactrice Jo Redwitch. Animée d’une forte volonté de comprendre ce qui anime l’être humain dans ce qu’il a de plus lumineux et de plus sombre, Jo a réalisé, depuis un an et demi, des articles sur d’anciens détenus, la justice réparatrice et les travailleuses du sexe en abordant ces sujets d’un angle que peu de médias peuvent emprunter.

Pour cette édition, elle a réussi à convaincre un pédophile de se confier à elle, par le biais d’intervenants qui l’ont aidée dans ses démarches. Le sujet est dur et ne laissera personne indifférent. Mais ce que j’admire, c’est l’objectivité et le non-jugement dont elle a fait preuve. On a rarement eu l’occasion de lire un témoignage de première ligne aussi percutant que troublant.

Crédibilité

Avec le souci de livrer des textes intéressants, cohérents et pertinents, nos camelots et participants sont de plus en plus renseignés sur les grands enjeux sur lesquels ils écrivent. Ils font un travail de recherche d’entrevues et de rédaction qui n’a rien à envier aux professionnels des médias. Je tiens à souligner par ailleurs le texte fort intéressant de Mathieu Thériault sur le revenu minimum garanti, qui propose une sérieuse réflexion sur le sujet.

Tout comme ceux dont ils parlent, plusieurs de nos camelots-rédacteurs ont connu des événements traumatiques qui les ont entraînés dans les abîmes, les habilitant ainsi à comprendre leur sujet et à livrer des articles crédibles. Par leurs écrits et leur présence même dans le magazine, ils sont la preuve que la résilience et la volonté de progresser ont toujours le dernier mot.