Les vagues de froid successives à Montréal, comme dans l’ensemble du Québec, ont été particulièrement dures pour les sans-abri. En janvier, on a, jusqu’à date, recensé deux décès. Deux décès de trop. La dernière victime, une dame itinérante de 64 ans, morte dehors, en pleine nuit le 20 janvier près du métro Berri-UQAM. Il faisait -32°C. Dix jours plus tôt, un homme de 74 ans qui vivait dans un campement de fortune, aux abords de l’autoroute 20, a été retrouvé inanimé, emporté par l’hypothermie causée par le froid sibérien.

On ne laisse même pas son chien ou son chat dehors par pareilles températures.

Et ce qui n’a pas aidé, c’est que ces personnes n’ont pas pu trouver un endroit pour échapper au froid. Avec le manque criant de places dans les refuges, plusieurs personnes sont refusées dans ces ressources. Je ne m’imagine pas la peine, voire même la colère des responsables qui n’ont pas d’autres possibilités que de forcer les itinérants à rebrousser chemin sans leur fournir d’autre choix.

Ajoutez à cela le couvre-feu qui était en vigueur et avait du coup éliminé plusieurs lieux possibles où les sans-abri auraient pu se réfugier, du moins quelques instants, pour échapper au froid. Couvre-feu, d’ailleurs auquel la Santé publique de Montréal s’était opposé, le jugeant inutile. La Dre Mylène Drouin voyait venir l’impact que cette mesure allait avoir sur les plus vulnérables. Mais le gouvernement a décidé de ne pas en tenir compte.

L’itinérance n’est pas une question facile. Il y aura toujours des gens qui refuseront d’aller dans des refuges, pour une foule de raisons. Mais la première demeure, dans la grande majorité des cas, la santé mentale. Personne, qui est sain d’esprit, ne choisit de coucher dehors à des températures sous zéro.

On ne peut qu’admirer et féliciter le travail acharné des travailleurs de rue, des refuges et des équipes policières montréalaise comme EMRII qui sillonnent les rues, les viaducs et terrains vagues pour tenter d’aider les gens de la rue en danger de mort à cause du froid. On tente de les diriger vers des ressources d’urgences et haltes-chaleur. Des mesures tempo- raires. Des solutions utiles, mais qui ne règlent pas la question de fond.

 

Pas de solutions faciles

Certains préconisent la construction de mini-maisons ou d’abris portatifs pour les itinérants. C’est une alternative qui permettrait sans doute de réduire le nombre de morts ou de cas d’engelures sévères. On sait que la Ville s’y oppose parce que c’est une solution band-aid. Un abri seul n’aide pas une personne à sortir de la rue; il faut de l’accompagnement, des ressources, de l’aide.

Nous, à L’Itinéraire, on ne le sait que trop bien. Mais avec un travail soutenu, nous avons réussi à donner un toit à des personnes qui ont vécu de longues années dans la rue. Ça ne se fait pas toujours du premier coup. On réussit à trouver une chambre à quelqu’un, mais les années d’itinérance ont la vie dure. Vivre entre quatre murs quand on a dormi à la belle étoile pendant longtemps peut être très difficile et contraignant pour certains. Un de nos camelots, un ex-itinérant qui a fini par demeurer dans le logement qu’on lui a trouvé, après plusieurs essais et erreurs, a laissé entendre qu’il s’ennuyait parfois de se réveiller en regardant le fleuve devant lui.

Des solutions durables existent. Ce n’est pourtant pas si compliqué. Demandez-le aux refuges et aux groupes communautaires qui connaissent bien la réalité de la rue. Le logement. Le financement des organismes.

Mais voilà, il faut une volonté politique pour y arriver. Les Villes voudraient bien construire des logements, mais elles plaident trop souvent être tributaires du financement du gouvernement du Québec – et du Canada – pour le faire. Et oui, c’est possible d’y arriver. On n’a qu’à regarder ailleurs dans le monde, comme en Finlande par exemple, qui a priorisé le logement pour les plus vulnérables et a ainsi réduit considérablement le nombre d’itinérants dans leur ville.

Alors, qu’est-ce qu’on attend ?