« Parle pas trop fort au téléphone, tu vas propager le virus (rire). » L’humour de Réjean et Lucette est au beau fixe malgré un confinement parfois éprouvant, au même titre que celui d’autres camelots de L’Itinéraire d’ailleurs.

« On dort beaucoup ! annonce Lucette. Parce qu’on a rien de spécial à faire le matin, complète Réjean. On sort aussi tous les jours. On prend le soleil avec un café, assis sur un banc . Si nos deux inséparables affirment que l’on ne peut pas empêcher totalement les gens de vivre, ils précisent quand même se sentir pris dans un « étau, physiquement comme psychologiquement ».

Le manque de liberté

Pour sa part, Lucette traverse des journées parfois très difficiles. Entre l’intensité de cauchemars à répétition et la privation de relations sociales, elle s’en est remise à son médecin de famille qui lui a prescrit des antidépresseurs pour l’aider à passer plus sereinement cette période. Bien sûr, elle comprend parfaitement que L’Itinéraire ait stoppé la distribution du magazine pour protéger les camelots. Mais comme elle le dit : « j’aurais préféré qu’il reste ouvert. Le contact avec mes clients me manque ». Elle est toutefois heureuse de recevoir de temps à autre des textos de l’une de ses clientes qui demande de ses nouvelles.

Pour Réjean, la situation est un peu différente. Il travaille toujours. Une journée par semaine, il s’occupe de l’entretien à la Tisanerie Mendala tenue par deux de ses amis. « Je n’y suis pas allé pendant deux semaines de suite, mais j’y retourne pour décontaminer des boîtes. Je mets des gants évidemment ! » Un semblant de vie normale, mais aussi un travail risqué dans les circonstances : « Dans l’épicerie, t’as pas tellement le choix. T’es tassé. On ne peut pas toujours se tenir à distance. »

Ce que Réjean retient le plus de cette période de confinement, c’est le manque de liberté et surtout la peur des gens. « On prend les transports avec Lucette. il n’y a presque personne. Mais les gens ont peur ! Un jour, une dame nous a crié : « deux mètres, deux mètres ! » Elle ne savait pas qu’on était en couple. »

Du positif à deux !

Heureusement, il y a des côtés positifs pour nos deux camelots. « J’ai le temps de faire le tri dans mes papiers, dans mes articles, énumère Lucette. J’écris plus, je prends plus de temps pour pratiquer Smoke on the water, de Deep Purple à la guitare électrique. »

La musique, c’est leur sas de décompression. Réjean a lui aussi fait le tri dans ses papiers ; surtout dans ses partitions. Et pendant que Lucette chante, il l’accompagne à la guitare sur des chansons destinées au spectacle de fin d’année du programme du CREP [ndlr: Le Centre de ressources éducatives et pédagogiques intervient à L’Itinéraire] qu’ils espèrent tous les deux pouvoir faire. « On ne sait pas si le spectacle sera repoussé. Il devait se tenir en juin », dit-il, un peu déçu de cette incertitude.

Puis ils sont deux ! Une donnée importante dans la situation actuelle. « On ne se chicane pas beaucoup, souligne Lucette tandis que Réjean proclame avec un sourire qui s’entend : on est le couple parfait ! À la mi-avril, ça fera 14 ans que l’on est ensemble, et le 21 juin, 12 ans que l’on est marié ».

Habituellement, c’est au restaurant et dans une salle de spectacles qu’ils célèbrent leur anniversaire de mariage et leur rencontre. Mais cette année, ils les fêteront chez eux.

Et après ?

En pensant à l’après COVID-19, Lucette retrouve son enthousiasme. C’est aussi ce qui l’aide à supporter le négatif des actualités. Car pour elle, la société devrait être transformée une fois la crise terminée, précisant que « le monde sera meilleur qu’avant. Les gens devraient mieux communiquer, et beaucoup plus aimer les autres parce qu’ils auront manqué de tout ça pendant le confinement. » De belles attentes que Réjean complète en demandant à tous de « garder le sourire » face à cette « guerre du virus. »