Geneviève Bertrand
Journaliste-participante

Prendre le contrôle de sa vie, pour un camelot, ça commence par l’accès à un logement abordable. Alors que le chèque d’aide sociale permet à peine de répondre à la moitié des besoins de base, force est de constater que ses bénéficiaires se retrouvent dans une impasse financière.

Grâce à un programme d’accès aux logements abordables, L’Itinéraire, en partenariat avec Les Habitations du Réseau de l’Académie (RÉSAC) et l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM), vient en aide à ses camelots-participants qui vivent des difficultés. De plus, afin de favoriser l’accès de ces personnes à un logement, une aide financière additionnelle leur est octroyée pour qu’elles n’aient à débourser que 25 % de leur revenu pour se loger.

Logements pour les camelots

Depuis mars 2015, L’Itinéraire a réussi à trouver 16 logements subventionnés pour ses camelots, dont 11 au cours de la dernière année. « Je vois cela comme une belle victoire car ça a permis à 11 de nos camelots d’avoir accès à un logement très beau, très propre et sécuritaire, et le tout à un prix décent », indique Jean-François Morin-Roberge, intervenant psychosocial à L’Itinéraire. Du même souffle, il déplore que « le nombre de logements sociaux qui se construisent et qui sont disponibles est très bas comparé aux besoins du marché. »

Par ailleurs, étant donné que plusieurs camelots et participants de l’organisme sont bénéficiaires de l’aide sociale, « le coût du logement par rapport au revenu correspond souvent à 70 % ou 80 % de leurs dépenses, chose qui est tout à fait inacceptable, poursuit-il. Il leur reste à peine d’argent pour les besoins de base, on parle alors de survie. »

Liste d’attente surchargée

Près de 25 000 ménages sont inscrits sur la liste d’attente de l’OMHM pour obtenir un logement social. « C’est énorme et avant d’avoir une réponse, les demandeurs doivent attendre entre six et sept ans », précise M. Morin-Roberge.

Si les logements subventionnés se recensent au compte-goutte, ils doivent être répartis entre les organismes communautaires. « Par exemple, lors d’une rencontre il y a quelques semaines, nous étions 15 organismes communautaires à déterminer l’accès à 50 logements entre nous », explique M. Morin-Roberge.

« Il n’y a pas assez de logements sociaux offerts en général. À L’Itinéraire, on pourrait bénéficier à nous seuls de ces 50 logements, souligne-t-il. Et puis, ce n’est pas assez de placer une personne entre quatre murs, car pour un individu qui provient de la rue, il faut l’encadrer et assurer un suivi communautaire : l’aider à faire son ménage, son épicerie, sa cuisine, socialiser, renforcer son autonomie et maintenir un contact. »

« Nous sommes vraiment là pour les accompagner afin qu’ils puissent se stabiliser et améliorer leur qualité de vie, dit-il. Ce n’est pas tout d’avoir un toit ; il faut que tu sois bien chez toi. »

L’OMHM en chiffres

– Ensemble du parc immobilier : 23 017 logements
– Près de 38 000 locataires en HLM
– Plus de 24 000 ménages en attente d’un HLM, soit environ 40 000 personnes
6000 nouvelles demandes chaque année
– Quelque 1000 logements HLM octroyés annuellement à de nouveaux locataires
– Budget annuel de plus de 400 millions $

Subventions déficientes

En 2007, le RÉSAC recevait 932 $ par logis. Depuis l’ajout de logements additionnels, portant le chiffres à 170 unités, la subvention accordée par le CIUSSS équivaut à 549 $ par logis. « Ce printemps, souligne Manon Blanchard, coordonnatrice du RÉSAC, on nous a accordé une nouvelle subvention provenant d’un budget d’un programme en santé mentale pour l’embauche d’un deuxième intervenant en soutien communautaire, ce qui hausse la moyenne par logis à 843 $. »

« Il est réellement temps d’ajuster à la hausse cette subvention que nous verse le CIUSSS Centre-Sud pour nous permettre d’assumer nos responsabilités en matière d’intervention communautaire et sociale », soutient Mme Blanchard.

Du côté du Front d’Action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), sa porte-parole Véronique Laflamme regrette que, « dans le contexte économique actuel, on s’explique mal qu’un gouvernement, qui affirme qu’il faut créer la richesse avant de la redistribuer, choisisse de baisser les impôts, avant de mieux financer la lutte à la pauvreté et le logement social. »

Selon le recensement de 2016, 195 635 ménages locataires du Québec consacrent plus de la moitié de leur revenu pour se loger, alors que 58 000 y consacrent plus de 100 %.