Combien de fois certains d’entre nous regardent de haut les itinérants ou bien passent devant ceux demandant la charité sans s’arrêter ? Ayant un revenu, même modeste, nous vivrions dans le paradis et eux, l’enfer… Les personnes en situation d’itinérance ne sont pas nées itinérantes, elles le sont devenues par le hasard et surtout les déboires de la vie. Il faut combattre les préjugés envers ces personnes et agir collectivement pour leur faire une place dans la société, tel est le message lancé par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) pour freiner la stigmatisation et sensibiliser la population.

Leur faire une place dans la société peut être difficile sachant ce que ces itinérants ont beaucoup souffert dans la rue. Humaniser une partie de leur vie, c’est comprendre qu’ils ne sont pas juste des itinérants mais aussi des êtres humains avec un cœur et des émotions. Robert M., 60 ans, camelot de l’Itinéraire depuis quatre ans, devient très émotif quand vient le temps de raconter ses périodes d’itinérance, l’une qui a duré trois mois à l’âge de 19 ans et l’autre plus récente à l’âge de 56 ans.

« J’ai eu mal à l’orgueil et j’ai eu honte ! »

« Ce que j’ai vécu de pire dans ma vie; c’est à 19 ans lorsque ma mère m’a jeté à la rue et j’étais sans aide sociale et sans argent, donc itinérant. J’ai dû faire de la prostitution masculine, ça a été l’enfer, pourtant j’étais hétérosexuel à cette époque-là. Juste d’en parler, ça me fais revivre des traumatismes et ça vient me chercher dans les tripes. Ça a été le moment le plus dur de ma vie. Ça s’est passé lors des Jeux Olympiques de 1976, c’est quelque chose que je ne veux plus revivre; j’ai perdu mon honneur, ma beauté, mon âme, j’ai eu mal à l’orgueil et j’ai eu honte ! Trois mois plus tard, la police m’a ramassé, j’ai passé un mois à l’Institut Philippe-Pinel, deux mois au Centre de détention Parthenais, et finalement un an à la Maison St-Jacques en psychothérapie. Ce n’est seulement ensuite que j’ai pu obtenir de l’aide sociale, se remémore durement Robert. La prostitution, je n’ai pas fait ça pour l’argent, mais pour manger et ne pas coucher dehors. J’étais hébergé chez ceux avec qui je couchais et ils me donnaient à manger. » Des drogues telles que la cocaïne et le kif le conduisent chez le psychiatre qui lui diagnostique une schizophrénie.

Chassé par un huissier

En 2013, Robert a été chassé par un huissier de son logement de la Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal (SHAPEM), car il avait omis de payer son loyer pendant trois mois consécutifs. Il s’est donc réfugié dans des endroits tels que la Mission Old Brewery, la Maison du Père et la Mission Bon Accueil. Il a par ailleurs été hospitalisé car il se sentait trop vulnérable à cette même époque. Ce qui a été le plus difficile ? « Garder mon programme Interagir[i] à L’Itinéraire en même temps que d’aller coucher dans les refuges. J’ai fini par perdre mon travail ici », déplore-t-il.

Campagne de sensibilisation

Le Québec mène actuellement une campagne de sensibilisation sur le thème « Changeons notre regard sur l’itinérance » qui vise à contrer l’éloignement, voire l’indifférence envers les personnes en situation d’itinérance, et ainsi favoriser leur intégration sociale et une cohabitation harmonieuse dans les espaces publics. La campagne rappelle à la population que la situation de ces personnes, qui ont aussi des compétences et une histoire de vie propre à elles, ne les définit pas entièrement et définitivement.

Afin de joindre la population adulte du Québec, différents moyens sont utilisés pour véhiculer le message : une publicité vidéo sur le Web, de l’affichage imprimé et numérique ainsi que de l’intégration de contenu et des bannières Web. La campagne se déroule du 27 février au 2 avril.

Vous avez votre mot à dire

Quelles sont vos pistes de solutions pour un monde idéal sans pauvreté ? Telle est la question que vous pose, de son côté, le gouvernement canadien afin de vous inviter à lui donner vos suggestions pour des stratégies de réduction de la pauvreté. C’est ainsi que le ministre du Développement social, Jean-Yves Duclos, a annoncé le lancement de deux initiatives : un processus consultatif à l’échelle nationale ainsi qu’un appel de candidatures pour un comité consultatif ministériel sur la pauvreté.

« N’oublions jamais que les personnes en situation d’itinérance ont une histoire de vie qui leur est propre, souvent parsemée d’épreuves qui les ont conduites à vivre dans la rue. Ensemble, nous pouvons les aider à mieux réintégrer la communauté et à mieux laisser s’épanouir leur potentiel, au bénéfice de l’ensemble de la société », a récemment affirmé Lucie Charlebois, ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie.

« La pauvreté est un problème complexe qui touche plus de trois millions de Canadiens. Elle possède de nombreux visages : enfants et familles, aînés, Autochtones, personnes handicapées et immigrants. Nous devons travailler de concert avec nos partenaires et avec tous les Canadiens afin de trouver une solution. Tous les Canadiens devraient avoir la chance de vivre une vie satisfaisante pour eux-mêmes et leur famille. Nous avons besoin de connaître votre opinion sur la façon dont nous pouvons y parvenir », affirme Jean-Yves Duclos, par voie de communiqué.

Trois millions de Canadiens, c’est 8,8 % de la population, et de ce nombre on comptait plus d’un demi-million d’enfants vivant sous le seuil de la pauvreté en 2014. En 2011, plus de 655 000 ménages canadiens ont consacré au moins 50 % de leur revenu avant impôt à leur logement. Environ 90 % de ces ménages étaient à faible revenu. « La solution à l’itinérance, selon moi, c’est de payer son loyer. Moi en 40 ans, c’est seulement cinq loyers que je n’ai pas payés », se souvient Robert avec malgré tout un brin de fierté.

[i] Le programme Interagir est un programme d’aide et d’accompagnement social mis en place par le Ministère québécois de l’Emploi et de la Solidarité sociale pour aider les personnes pour qui l’accès au marché du travail ne peut être envisagé qu’à long terme.

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