Maxime Valcourt est camelot à L’Itinéraire depuis 25 ans. Il en a vu du monde passer devant lui et il en a distribué des magazines ! À son point de vente devant le Théâtre du Nouveau Monde, il fait maintenant partie du décor de cette incontournable institution du 6e art, où il n’est pas rare de croiser célébrités et personnalités publiques.

La directrice générale et artistique du TNM, Lorraine Pintal, est venue à sa rencontre chez nous, à L’Itinéraire. Le temps d’un café, ils ont échangé sur leur quotidien. Quoique différentes, leurs journées se terminent souvent au même endroit les soirs de représentations, coin Saint-Urbain et Sainte-Catherine. À quoi ressemble une journée dans les souliers de Lorraine Pintal ? De Maxime Valcourt ?

 

Lorraine

Habituellement je me lève vers 7 h, je lis les journaux parce que je dois savoir ce qui se passe et ce qui se dit dans le milieu culturel. Ça change rapidement. C’est aussi un bon moment pour travailler nos projets internationaux, notamment avec la France, par rapport au décalage horaire.

Les journées se suivent et ne se ressemblent pas du tout. Mon métier, c’en est un de soir et de nuit. J’aimerais me coucher à des heures impossibles, mais je dois me lever le matin, je dirige un théâtre ! Je commence tôt et je termine tard. Je dois trouver un équilibre. Cette semaine, nous avons intronisé Michel Tremblay au Panthéon du TNM. C’est notre premier artiste intronisé ! Ce soir, c’est la première médiatique de sa pièce Cher Tchekhov, c’est une grosse journée.

J’arrive en ce moment d’une rencontre concernant notre projet d’agrandissement. J’étais ravie par la suite de venir ici pour te rencontrer, Maxime, en personne, sur place. Ça fait partie de mon quotidien, les entrevues et celles avec les journalistes. C’est arrivé souvent, surtout pendant la pandémie, où j’ai été extrêmement sollicitée pour prendre la parole au nom des salles de spectacle qui étaient les premières à fermer et les dernières à ouvrir.

Après notre café, je m’en vais à la Chambre de commerce de Montréal puisque Mme [Valérie] Plante y donnera une conférence. Je dois rencontrer des partenaires pour parler de nos projets d’infrastructure.

Après, j’enlève mon chapeau de directrice générale et je mets celui de directrice artistique. En après-midi, on cherche à établir un lien avec une compagnie de théâtre d’origine haïtienne. Je les rencontre avec notre direction de production et on évalue le potentiel de collaboration. On va leur demander de nous parler de leur projet, de leur vision, de leur rêve. Par la suite, je vois avec les équipes si c’est réalisable. C’est la partie de ma job que j’aime le plus. Directrice artistique, c’est la raison pour laquelle j’ai été engagée au TNM. J’ai grandi dans ce métier-là avec cette formation.

Maxime

Et une petite sieste en fin d’après-midi ?

Lorraine

Non ! Mais avant la première, ce soir, on va s’asseoir en grande équipe à la grande table du restaurant du théâtre. On va lever notre verre au travail accompli. On fête ça avant nous ! Après aussi… (rires).

Après je vais aller à la table d’accueil pour rencontrer nos invités. Nos premières sont très glamour. Je vais aller dire merde aux acteurs et à l’auteur, en l’occurence Michel Tremblay ce soir, et je vais faire des relations publiques. Ça fait partie de mon ADN.

Je vais attendre la levée du rideau pour prendre la température de la pièce et entendre les réactions. J’ai hâte à ce soir, parce que du Tremblay, ça oscille entre la tragédie et le comique, tu pleures, tu ris, c’est drôle, mais c’est aussi prenant.

Mais le dimanche, je n’y touche pas. Je fais le vide, je prends du recul. J’aime beaucoup faire du vélo. Ça fait quelques années que je prends cette journée pour moi, c’est important pour l’équilibre.

Maxime

Moi je prends ma marche tous les matins pour faire baisser ma petite bédaine (rires). Je suis un bon mangeux. Je prends aussi des rides de vélo pour voir la nature.

Quand j’ai commencé à vendre L’Itinéraire au TNM, je ne pensais pas finir comme camelot à temps plein. On perçoit les théâtres comme un milieu snob, mais au TNM je me suis senti accepté. Les gens du restaurant, les comédiens, le personnel, ils m’ont accepté, ils me disent bonjour, ils me payent un café.

Lorraine

C’est parce qu’on t’aime ! Quand des gens du public nous demandent pourquoi tu es là, on leur répond toujours que tu fais partie de la famille. Tu es quelqu’un d’important pour notre théâtre, tu fais partie des meubles. Et tu assistes parfois aux représentations!

Maxime

Isabelle Brais, la femme de M. Legault, me demande toujours si je suis correct, si je mange bien, si j’ai un toit. Je vais toujours me souvenir quand elle était seule un soir et m’a invité à assister au show avec elle. Je me suis senti tellement considéré. Ça fait du bien c’est fou !

Pour revenir à ma journée. Je me lève, je prends une marche. Après je fais du recyclage avec ma petite camionnette. Je vais vider mon stock que j’ai ramassé la veille. Quand j’ai fini, je déjeune. Après je vais travailler dans Ahuntsic vendre le magazine. C’est une autre clientèle, mais ça marche quand même. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis aimé. Je reste poli, je m’habille propre. Là je dois me trimer la barbe, je n’ai pas eu le temps encore.
Lorraine

Parti comme ça tu vas être bon pour faire le père Noël aux Fêtes (rires) !
Maxime

Hier, quand j’ai commencé, le premier 20 minutes, c’était plus dur. Faut aller chercher la clientèle. Quand ils attendent en ligne, c’est là, le meilleur moment. Je vois les artistes et le public. Tout le monde me dit que j’ai toujours le sourire.

Après, en attendant que la pièce soit terminée, je me promène dans le Quartier des spectacles. Je reviens à la sortie des théâtres. Le lendemain, je recommence.

Je suis un gars bien gêné. Les premiers temps, j’avais mes lunettes de soleil. J’ai beaucoup travaillé sur moi.

Faut être tough pour vendre L’Itinéraire downtown. Je vois tellement de personnes maganées maintenant, près du TNM, ça peut brasser. Je me sens en sécurité en dessous de la marquise du TNM. Sur le trottoir c’est autre chose. Je veux vous remercier, personnellement, vous et toute l’équipe du théâtre.

Si jamais un jour vous voulez monter une pièce avec un camelot — je dis ça de même — j’suis là (rires)! Je l’ai tellement vécu le centre-ville, j’en ai des choses à raconter.
Lorraine

Ah tiens donc, c’est loin d’être une mauvaise idée!