Ici, on vous parle d’une rencontre particulière entre un auteur-compositeur engagé et un poète-camelot de L’Itinéraire, d’une collaboration humaine initiée au départ par L’Itinéraire, pour la création d’une chanson écrite qui s’est poursuivie naturellement à cause d’une passion commune : la musique.
J’ai écrit les textes de 10 des 11 chansons de l’album Intense Cité, mises admirablement en musique et chantées par Paul Cargnello. C’est une marque de confiance énorme qu’il m’a faite. De mon côté, j’ai dû laisser tomber ma méfiance maladive pour faire évoluer l’échange créatif vers un super beau projet… Merci ! En entrevue, je ne pouvais par ailleurs pas faire autrement que de lui parler de deux sujets qui nous relient : la santé mentale et la créativité.
J’ai un trouble d’anxiété généralisé (TAG) qui s’est amplifié au point de tout bloquer, mes émotions, ma créativité. Est-ce qu’à un certain moment de ta vie, ton angoisse a nui à ta création ?
P. Cargnello: Dans la création, comme tel, non, mais pour la scène, oui ! Autrefois, pendant les longues tournées, la pression de performer, d’être une bête de scène, était chaque fois si forte… Tu n’as pas le droit d’être mal à l’aise avec la performance sur scène, c’est considéré comme une défaite et ça, c’est encore un tabou dans le milieu.
J’aimerais savoir comment tu procèdes en création.
P. Cargnello: En général, je commence avec l’écriture. Il n’y a pas de temps dans une journée plus créatif qu’un autre. J’écris entre huit et dix poèmes par jour. Je dois avoir écrit une centaine de livres de poésie, mais seulement deux recueils sont publiés.
Je compose et je termine au moins une à deux chansons par semaine. Des fois plus. À la fin de l’année, j’ai environ 200 chansons. C’est fou ! J’ai toujours pensé que ça faisait partie de ma maladie mentale. Dans le sens que j’ai le besoin de toujours créer, sinon je deviens une boule d’énergie très difficile à contrôler. La création fait partie de moi, elle me garde stable et m’éloigne des médicaments.
Ta façon de te laisser aller dans la composition m’inspire beaucoup. Vraiment ! Chez moi, j’ai une boîte pleine de textes que j’ai écrits, mais je considère qu’ils sont tous à retravailler.
P. Cargnello: Oui, mais toi tu es un perfectionniste. De mon côté, je suis tout le contraire. Je vois toutes mes chansons et mes albums comme de mauvaises coupes de cheveux d’adolescents. Quand tu regardes une photo de toi à 13 ans, tu te dis : « Oh my God !, mes cheveux étaient stupides ». Là, je suis en train de promouvoir un album. Je me dis : « Shit ! C’est vraiment bon ! J’aime tellement l’album avec Siou « , mais dans 10 ans, je vais surement penser : » Regarde, tout ça… c’est d’la merde! » (Rires). Je peux défendre un album pour une période de 10 ans, après, oublie ça !
En tout cas, depuis un an, j’écoute beaucoup l’album qu’on a fait ensemble. J’ai toujours adoré la musique. Tu as réalisé mon rêve d’adolescent, en quelque sorte. Moi, qui n’ai pas une si grande estime de moi-même, je peux dire en ce moment que je suis très fier de moi.
P. Cargnello: Je pense qu’Intense Cité est une coche au-dessus de tous les albums que j’ai faits dans le passé. La qualité de ce que tu as produit… C’est fucking bon! Moi, je suis correct en français, mais je ne suis pas aussi fort que toi. Cependant, je me trouve quand même meilleur que bien d’autres francophones qui composent en français. Ça, je peux le dire (rire), parce que j’entends beaucoup de merde à la radio.
Je dois quand même vous parler de Karine Pion, interprète de Les passants, une chanson importante pour moi, en plus d’être la choriste de l’album. Je n’ai pas pu la rencontrer, mais elle a accepté de me partager sa vision du projet.
Karine a rencontré Paul à Belle et Bum où elle travaille comme choriste. La même année, l’une de ses amies, Anne-Marie Boucher du Réseau solidarité itinérance du Québec (RSIQ) a fait appel à ses contacts afin de trouver des artistes pour co-créer des pièces avec des personnes en réinsertion sociale ou anciennement itinérants. Pour elle, l’énergie de Paul fittait parfaitement avec ce projet. « Un super match avec Siou », ajoute-t-elle.
Elle se voit comme la « coloriste », la fée-marraine de l’album. Paul en est alors le peintre et Siou la muse. Par ailleurs, ce projet semble lui donner le goût de pousser plus loin son implication sociale et de « développer de nouvelles avenues créatives » auprès d’une population vulnérable.
À 13-14 ans, j’avais beaucoup d’angoisses. Mon père est psychologue et il m’a dit : l’angoisse, c’est normal, le but c’est que tu apprennes à la gérer au mieux.
– Paul Cargnello