Charles-Éric Lavery
Chef du développement social

Avril est le mois de l’autisme. Chaque année, nous nous faisons un devoir de le souligner dans le magazine. Et cette année ne fait pas exception puisque nous y avons consacré notre dossier principal. C’est dire que le sujet nous tient à cœur, car il touche aussi directement notre mission d’inclusion sociale.

J’ai été coordonnateur et animateur d’activités de loisir pour enfants et adultes autistes pendant près de cinq ans.

C’était un service de loisir, oui, mais c’était aussi et surtout un répit pour les parents. L’autisme, comme l’itinérance, est invisible au premier regard chez bon nombre de personnes. Mais d’autres cas, plus sévères, rendent l’autisme visible. L’hyper ou l’hyposensibilité, des mouvements stéréotypés, des intérêts restreints et inhabituels, une approche sociale anormale, la présence parfois de déficience intellectuelle… quand ces critères diagnostiques sont sévères et combinés, ce n’est évidemment pas de tout repos pour les parents.

Le regard des autres

Notre groupe était composé de six à douze jeunes ou adultes autistes et de cinq à huit animateurs-accompagnateurs. Disons que c’était un événement quand on entrait dans un wagon de métro ou un autobus.

L’un des adultes autistes pouvait se mettre à flatter les cheveux de la personne assise à ses côtés, alors qu’un autre criait à plusieurs reprises parce que, hypersensible à certains sons, il avait entendu le klaxon d’une voiture. Puis, une autre encore faisait ce qu’on appelle communément du flapping, le battement des bras ou des mains, un mouvement stéréotypé.

Chaque fois, nous étions exposés au regards, au comportements et aux paroles des gens. C’est vrai, certains étaient bienveillants, curieux, pleins de compassion et d’empathie. Certains nous disaient bonjour et posaient des questions pour s’informer. Mais plus souvent qu’autrement, on faisait l’objet de regards méprisants, apeurés ou de dégoût. Il arrivait que des gens changent de siège pour s’éloigner de notre groupe ou quittent carrément le wagon de métro ou de l’autobus. Des parents ont retiré leurs enfants de la piscine, de peur, j’imagine, de se faire toucher par l’un de nos jeunes. J’avais bien envie de leur dire : « Inquiétez-vous pas, ce n’est pas contagieux ! »

L’inclusion sociale, une affaire de société

Cette réalité est aussi présente à L’Itinéraire et envers les personnes itinérantes. Quotidiennement, nos camelots ont des histoires – plusieurs heureuses, certes – mais aussi malheureuses à nous raconter à propos de paroles et les comportements des gens. L’itinérance ou la pauvreté, ce n’est pas contagieux non plus.

L’inclusion sociale, concerne la personne qui s’engage dans une démarche de réinsertion, par exemple, en vendant et en rédigeant des articles dans L’Itinéraire ou en participant à des activités culturelles et de loisir. Mais c’est aussi et en premier lieu une affaire de société qui engage chacun d’entre nous. C’est ça, une société inclusive.

Ainsi, la prochaine fois que vous verrez un groupe comme celui dont j’ai fait partie, je vous suggère de vous arrêter, de poser des questions, d’avoir un regard accueillant, de chercher à comprendre, bref, d’adopter la même approche qu’avec nos camelots.

Le Plan d’action montréalais en itinérance 2018-2020

L’inclusion sociale étant une affaire de société, elle est donc aussi la responsabilité des différents paliers gouvernementaux, dont le municipal.

La Ville de Montréal a dévoilé, le 7 mars, son plan d’action en itinérance 2018-2020.

Ce plan est pertinent, puisqu’il priorise une approche globale de lutte à l’itinérance à travers l’inclusion sociale, et non par de l’aide au logement en priorité, comme c’est le cas avec la philosophie Logement d’abord. Nous constatons à L’Itinéraire les impacts qu’ont les initiatives telles que le soutien au revenu, l’aide alimentaire et la formation. Et c’est sans oublier la sortie de l’isolement social par la création de liens positifs entre camelots et surtout avec vous, chers lecteurs.

Le Plan valorise plus précisément les mesures de soutien au revenu comme celles que l’on offre à L’Itinéraire, ainsi que d’autres projets d’insertion socioprofessionnelle dont le travail payé à la journée. Des projets qui ont fait leurs preuves notamment à travers le programme TAPAJ de l’organisme Spectre de rue.

Une autre initiative qui se démarque u2014 et fait notre fierté u2014 est notre Café de la Maison ronde. Le seul café autochtone à Montréal, il fait participer des personnes autochtones en situation d’itinérance ou à risque. Il rouvrira d’ailleurs ses portes pour une quatrième saison le 28 mai prochain !