Ghislain Taschereau a le regard espiègle d’un enfant qui s’amuse des interdits, à la barbe de ses parents. Tout du moins, c’est ce que laisse transparaître du haut de ses 57 ans le créateur des célèbres Bob Binette, Dave Ash ou Yasser Arafat lorsqu’il se raconte en entrevue pour L’Itinéraire. Plus encore, c’est sa soif de plaisir et de liberté qui ressortent de ses anecdotes, de son parcours et de ses dernières créations : les Éditions de l’individu et sa nouvelle collection de « romans de gare », Hilare Coquin.

Tel un moine-écrivain, Ghislain Taschereau s’est cloîtré dans son appartement montréalais l’automne dernier pour s’adonner pleinement à l’écriture.

Roi et maître

Ghislain Taschereau a l’avantage d’être un touche-à-tout. Curiosité naturelle ou force de l’expérience, le milieu de l’humour n’a plus de secrets pour lui. Et lorsqu’il regarde son parcours, c’est sans aucun doute à travers l’écriture qu’il trouve sa plus grande liberté créative et son plaisir. « Avec un film, t’es dépendant de la prise de son, de l’allure qui va être donnée à l’image… Alors que dans le roman, tu es roi et maître. Si tu veux que 10000 personnes fassent du pouce sur l’autoroute 20, tu l’écris et ça existe. » Cette liberté n’a pas de prix. D’où la création de sa propre maison d’édition: les Éditions de l’individu, qui publie et republie ses ouvrages, dont sa dernière collection Hilare Coquin, écrite, promue et dirigée sans aucune contrainte extérieure.

L’auteur s’accorde à dire que la littérature reste plus tolérante que le milieu humoristique qui accuse le coup d’une censure de plus en plus vive. « Malheureusement, on s’excuse pour rien. Mais l’humour est une soupape. Les gens sont écrasés par les taxes et apprennent tous les jours les crosses que les gouvernements et les truands font, sans conséquence. T’as besoin de te défouler à ce moment-là. Et s’il y a trop de susceptibilité, c’est aussi parce que les diffuseurs n’ont pas assez de couilles. » Aujourd’hui, si des diffuseurs parfois frileux refusent un humoriste, il est toujours possible de se tourner vers YouTube, ajoute-t-il. Mais là, « soit ça fait rire les gens, soit tu te fais traiter de tous les noms. »

Rires libres

Alors peut-on rire de tout ? Déjà, à l’époque de TQS, en 1999, la diffusion de Dieu reçoit avait fait scandale. L’indignation de membres de la communauté catholique avait mené l’affaire jusqu’à la censure. « Ils [TQS] avaient reçu quelques plaintes à cette époque et même des sacs pleins de merde (des vrais !). Mais si tu reçois deux plaintes, vas-tu considérer qu’elles représentent deux millions d’individus ou 20 personnes ? » Donc, à la question peut-on rire de tout ?, la réponse pourrait être: oui, mais pas avec tout le monde. D’ailleurs, l’humour, c’est entre amis que Ghislain Taschereau le consomme le plus. Et sans censure. « Entre humoristes, on fait des blagues assez crues. J’aime dans leur intimité des personnes comme Martin Matte et Pierre Brassard qui me font beaucoup rire dans la vie de tous les jours. Des fois, c’est quasiment plus que dans les spectacles parce qu’on bascule dans des mondes interdits. »

Et l’humour que l’auteur affectionne le plus est l’absurde. Un style aux histoires extravagantes et dont les jeux de mots souvent poussés à l’extrême se retrouvent dans sa nouvelle collection Hilare Coquin. « Dans cette collection, je pogne ma cheville d’humour, je le campe dans des univers dont je vais pouvoir tordre les clichés à l’excès. Mettons que je prenne la politique, le journalisme, la santé, les pompes funèbres… ce sont des mondes riches de clichés et de bêtises et si tu campes une histoire d’amour là-dedans tu peux vraiment beaucoup t’amuser. »