Une course contre la montre devant les grands froids

Aussi vrai que la saison des grands froids revient chaque année, aussi vrai qu’il faut effectuer nos changements de pneus avant le 1er décembre et sortir les pelles pour le déneigement, la pénurie de haltes-chaleur d’hiver pour les personnes en situation d’itinérance est aussi prévisible que récurrente.

La logique saisonnière

Fin octobre, alors que les premiers froids s’installent sur Montréal, le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal approchait L’Itinéraire pour collaborer avec l’organisme afin d’ouvrir une halte-chaleur dans le secteur du métro Papineau. Une course contre la montre était enclenchée.

Le défi pour ouvrir à temps est olympien. Au moment d’écrire ces lignes, la Ville a trouvé un local, mais doit l’aménager, l’organisme doit embaucher la quinzaine de nouveaux employés —qui seront appelés à travailler de nuit— et former la toute nouvelle équipe d’intervention.

Face à la lenteur et à la complexité des communications avec les grandes structures décisionnelles que sont le CIUSSS et la Ville de Montréal, la concrétisation du projet demeure encore incertaine. La direction de L’Itinéraire vise une ouverture réaliste à la mi-janvier, mais tout dépendra de la vitesse du processus d’embauche.

Centralisation

Guillaume Hébert, n’est pas surpris de constater qu’un projet de halte-chaleur arrive à la dernière minute dans la cour de l’organisme, qui, outre la vente du magazine L’Itinéraire offre une multitude de services aux personnes de la rue.

Le chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) attribue la situation à la centralisation des instances de santé et de services sociaux. Les grandes réformes du début des années 2000, notamment la création des Centres de santé et de services sociaux (CSSS) et par la suite des CISSS et des CIUSSS, expliquent en partie pourquoi les besoins du terrain ne se rendent pas, ou se rendent trop tard, aux oreilles des décideurs, souvent déconnectés de la base.

« Et la réforme du ministre Dubé, c’est encore plus de centralisation. À l’époque, on avait le réseau des Centres locaux de services communautaires (CLSC), qui avait des budgets plus adéquats, un réel pouvoir et une autonomie qui s’alignaient sur les besoins de la communauté très locale. Qu’est-ce qu’on a fait des CLSC? On les a dénaturés, on les a tués, on a tué leur autonomie, on les a fusionnés dans des CSSS. Ce qui fonctionne, c’est un système public décentralisé. Ça, on l’a échappé », déplore M. Hébert.

Le projet de loi 15 déposé en mars dernier par le ministre de la Santé vise à rendre plus efficace le système de santé et de services sociaux en créant une nouvelle agence, Santé Québec, qui englobera l’ensemble des CISSS et des CIUSSS. De grosses machines qui viennent se greffer à une plus grosse machine encore, estime le chercheur. « La logique du mur à mur pour régler un problème souvent particulier à un territoire et une communauté précise, ça ne fonctionne pas. »