En cette fin de printemps, et plus qu’à l’habitude, ça sent résolument la coupe. Après des mois de confinement total ou partiel, notre camelot-rédacteur, Jean-Claude Nault, avait besoin – de toute évidence – d’une coupe de cheveux. Mais pas dans n’importe quel salon.

Le 8 juin dernier, Jean-Claude avait rendez-vous Chez Ménick, « le barbier des sportifs », qui, depuis 62 ans, coiffe toutes les vedettes du Canadien de Montréal et du sport en général. De Serge Savard à Guy Lafleur, et j’en passe.

À 80 ans, « Ménick » Domenico Perrazino de son vrai nom, est, à lui seul, une institution vivante à Montréal. Ce fils d’immigrants siciliens connaît pratiquement tout le jet set de la métropole. Depuis plus d’un demi-siècle, il collectionne les amitiés et les anecdotes comme d’autres, les timbres-postes.

à un moment ou à un autre, la plupart des journalistes sportifs, chroniqueurs et animateurs ont fréquenté sa petite boutique du 1960, rue Masson. Sur les murs de son salon, surchargés de souvenirs, on voit les clichés des Réjean Tremblay, Michel Beaudry et Gilles Proulx. Imaginez le capharnauu0308m en sous-sol. Les célébrités s’y bousculent.

Toujours en quête de la sympathie populaire, la plupart des politiciens ont aussi fait un détour obligé dans ce lieu de pèlerinage. De Robert Bourassa à Jean Chrétien, en passant par René Lévesque. à la veille des élections municipales, Denis Coderre y prend ses aises.

De tous, Ménick reçoit les confidences. Le coiffeur-confesseur assure que c’est parce qu’il sait tenir sa langue.

Mais cette fois-ci, les rôles sont inversés. C’est Ménick qui parle, et c’est Jean-Claude qui écoute… et qui prend des notes.

Voici le récit d’une rencontre avec un Montréalais chaleureux, empathique et plein de bonhommie dont la philosophie de vie, toute simple, se résume à deux petites choses : « parler au monde » et « aider le monde ». Telle est sa façon.

***

« Je suis venu au monde au coin (des rues) Marquette et Beaubien, raconte-t-il. J’ai fini l’école à l’âge de 14 ans. Rendu en neuvième année, je ne voulais plus aller à l’école. Alors que j’étais chez mon barbier, je lui ai dit: « Je n’aime pas l’école. Je n’apprends pas. Et je n’ai pas la tête à ça. » Il m’a dit: « Ménick pourquoi tu ne deviens pas barbier comme moi ? »

« J’ai dormi là-dessus », dit-il en riant. Et puis, il a réfléchi. « Je ne me voyais pas travailler l’hiver dans la construction. Je ne me voyais pas non plus plombier ou électricien. Ces métiers ne me disaient rien du tout. ».

à l’époque, le jeune adolescent ne rêvait pas de fréquenter les grandes écoles. Ni d’entreprendre de longues études. Plutôt suivre un cours rapide, pas compliqué, et gagner sa vie le plus vite possible.

à 14 ans, le voilà donc inscrit à l’école de coiffure.

« L’année suivante, j’ai commencé à travailler dans un salon. Et à 18 ans, je suis parti à mon compte. C’est comme ça que le métier de barbier m’a suivi. »

Son père lui propose alors de lui prêter un peu d’argent et se met en quête « d’un commerce pour moi ». C’est comme ça qu’il a trouvé son local au coin de Masson et de Chabot, quelque part entre le Plateau Mont- Royal et Rosemont.

Les parents du jeune barbier n’habitent pas loin. « Je me suis dit: parfait. Je vais pouvoir faire ça (le trajet) à pied. C’est pour ça que mon commerce est ici depuis tout ce temps. » Il y est encore aujourd’hui, 62 ans plus tard, au numéro 1960 de la rue Masson.