Elle n’a que 21 ans, et déjà, Patricia Paquette est endettée de 7000 $. Étudiante en troisième année au baccalauréat en sciences de l’éducation de l’UQAM, elle vit une situation stressante : « Je dois trouver 600 $ pour le 13 octobre pour payer mes frais de scolarité », panique-t-elle. Si elle n’est pas choisie pour recevoir des bourses de solidarité ou si elle ne fait pas assez d’heures à ses trois emplois à temps partiel, elle devra se résoudre à mettre ce montant sur sa carte de crédit.
Kraft Dinner, nouilles instantanées, pâtes, riz, carottes, poivrons verts « les autres couleurs sont trop chères », céleris, pommes « si je me sens riche je m’achète des pommes vertes », bananes… « La viande coûte trop cher, j’essaie d’économiser le plus possible pour payer mes frais de scolarité. Avant j’avais une voiture, mais j’ai dû la vendre à cause du prix du gaz, des assurances et des plaques d’immatriculation.»
En appartement avec deux colocataires, elle tente de joindre les deux bouts avec ses trois boulots : caissière chez IGA (horaire variable entre 6h-18h par semaine), enseignante suppléante sur appel et conceptrice d’un guide pour les nouveaux étudiants pour le site web de l’UQÀM.
Débuter sa vie un pas en arrière
À l’été 2019, Patricia fera ses premiers pas en tant que diplômée sur le marché du travail tout en prévoyant que ses dettes d’études accumulées se chiffreront à 11 000 $. Elle anticipe déjà négativement cette transition. « En sortant de l’université les bacheliers en éducation doivent attendre cinq ans avant de pouvoir obtenir leur permanence. Ils cumulent des petits contrats, c’est le néant, c’est très stressant et c’est assez difficile à gérer. »
Pour l’instant, Patricia jette un regard inquiet sur la prochaine session d’hiver. Un recommencement à la recherche de sous; un déficit constant, tenter de se sortir la tête hors de l’eau tout en s’enfonçant constamment, un cercle vicieux dont elle ne peut échapper. « La roue va recommencer après Noël… », soupire celle qui est déterminée à compléter ses études pour améliorer son sort dans la vie.
Revenus instables
Puisqu’elle ne peut profiter de bourses d’études du gouvernement en raison du revenu de son père – qui ne l’aide pourtant pas financièrement, précise-t-elle -, Patricia n’a d’autre choix que de cumuler des emplois à salaire modique. « Oui, j’en arrache financièrement, parce que mes finances ne sont pas stables; semaine après semaine c’est différent. Le manque de stabilité c’est anxiogène ! Pas de contrats garantis, par exemple avec la suppléance, j’attends un appel à 6 h le matin. Si je n’ai pas d’appel, alors je n’ai pas d’argent aujourd’hui », souffle-t-elle.
« Je travaille beaucoup; je mets donc mes études en second plan malgré que je veuille des bonnes notes. C’est un cercle vicieux, car si je ne travaille pas, je n’ai pas les fonds nécessaires pour tout payer. Actuellement, j’en suis seulement à ma quatrième semaine et je suis déjà en retard dans mes travaux, s’affole-t-elle. En moyenne, je fais entre 18h et 25h, mais des fois ça peut n’être que six heures. C’est un peu difficile avec ces types d’emplois, je ne sais jamais combien d’heures je peux faire. En enseignement, j’ai un stage à faire pendant deux mois non-rémunéré et je ne pourrai faire que six heures au IGA. Je vis en appartement donc je dois subvenir à tous mes besoins : payer mon loyer de 370 $ incluant électricité et internet, ma carte OPUS, mon téléphone cellulaire, ma nourriture, mes frais de scolarité qui s’élèvent à 1680 $, mes livres scolaires qui m’ont coûté 200 $ cette session-ci. À chaque session, je reçois un prêt de 1052 $. Je dois trouver 600 $ pour le 13 octobre !, répète-t-elle en amplifiant sa détresse. J’ai fait une demande pour avoir une bourse alimentaire et une bourse de la rentrée. »
Je trouve que les bourses de solidarité de l’ADEESE sont un bon moyen pour les étudiants, car les carte cadeau enlèvent le stress de devoir toujours payer avec de l’argent de poche. Ça va me permettre peut-être de m’acheter autre chose.
Bourses de solidarité : au secours des étudiants !
Si certains étudiants croulent sous d’importantes dettes d’études, des services de dernier recours offrent des bourses et des certificats cadeau pour les plus pauvres d’entre eux. À l’UQÀM, des bourses de solidarité sont octroyées pour les étudiants membres l’Association des étudiantes et des étudiants de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal (ADEESE-UQAM). Étonnamment, ces bourses ont subi une hausse de 21 %, soit 48 140 $ en 2016-2017, par rapport à 38 050 $ en 2015-2016.
« Cette progression de 21 % s’explique par le fait que de plus en plus de personnes ont un statut précaire. Je n’ai aucune idée de ce qui s’est passé, peut-être y-a-t-il davantage de parents étudiants ou d’immigrants, c’est une hypothèse. Ça nécessiterait des études de cas », relate David Lacombe, responsable aux services de l’ADEESE-UQAM, qui compte 5500 membres parmi les 45 000 étudiants de l’établissement.
L’ADEESE-UQAM octroie quatre types de bourses de solidarité : aide alimentaire (certificat-cadeau de 250 $ pour l’épicerie de son choix), aide à la rentrée (certificat-cadeau de 100 $ à la COOP), aide aux parents étudiants (bourse d’une valeur maximale de 500 $), aide aux étudiants de cycles supérieurs (bourse d’une valeur maximale de 500 $).
« L’an dernier, nous avons donné un total de 48 140 $, dont 21 % était des bourses alimentaires (10 400 $), 4 % des bourses de la rentrée (2200 $), 47 % était des bourses aux parents étudiants (23 500 $), alors que 9 % était destiné à des bourses aux étudiants de cycles supérieurs (4500 $) », précise M. Lacombe.
Les critères d’attribution pour une bourse de solidarité comprennent être membre de l’ADEESE-UQAM, vivre une situation de précarité financière et recevoir le programme d’Aide financière aux études ou prouver sa non-admissibilité.
Trucs et astuces pour économiser
Parmi les autres options pour économiser des sous à l’université, il y a le Service de livres usagés (SLU) qui permet aux étudiants d’acquérir des livres à rabais et aussi de les revendre à la fin de la session. Il y a également l’Alliance pour la santé étudiante au Québec (ASEQ) qui est un régime d’assurances pour étudiants permettant aux personnes à statut précaire de se faire rembourser les frais des soins dentaires, des soins de la vue, des frais juridiques ou encore une assurance-voyage. Pour ceux qui ont des enfants à charge, ils peuvent se tourner vers le Comité de soutien aux parents étudiants (CSPE) qui a pour but de sensibiliser et mobiliser la communauté universitaire face aux enjeux liés à l’articulation études-famille-travail.