Extrait
Le 23 avril 2018, Alek Minassian, 25 ans, tuait dix personnes à Toronto, dont huit femmes, dans une attaque à la voiture bélier. La veille sur Facebook, il avait annoncé sa volonté de commettre un acte misogyne, s’ajoutant à une longue liste de crimes perpétrés contre les femmes du fait de leur sexe, au Canada comme ailleurs.
Célibataire involontaire (membre des « incels »), Alek Minassian était un masculiniste revendiqué. Comme tant d’autres, il reprochait aux femmes, et en particulier aux féministes, d’être les vraies privilégiées du système, conséquence de quoi les hommes auraient plongé dans une crise de la masculinité sans précédent.
Pour Francis Dupuis-Déri, politologue, enseignant en science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et auteur de La crise de la masculinité. Autopsie d’un mythe tenace (Éditions du remue-ménage, 2018), cette crise de la masculinité est une chimère, un discours à déconstruire.
Entrevue par Camille Teste
Selon vous, l’idée qu’il y aurait une « crise de la masculinité » est avant tout un discours.
Oui, dans mon livre, j’ai tenté de montrer que ce n’est pas une réalité tangible, mais bien un discours, qui laisse entendre que les hommes souffrent d’une féminisation croissante de la société.
En fait, j’y propose un contre-discours et j’essaye de démontrer que cette rhétorique masculiniste déforme la réalité et n’est qu’un ramassis de clichés et de stéréotypes.
Quels sont les arguments qu’avancent les masculinistes pour démontrer leurs théories ?
On l’a vu avec des groupes comme les « incels », il y a par exemple l’idée selon laquelle les hommes ne sauraient plus ou ne pourraient plus draguer, du fait de l’influence de femmes castratrices sur la société.
Un autre argument allant dans le sens d’une domination latente des femmes est la question de la garde des enfants : dans un divorce, celles-ci obtiendraient la garde et toucheraient une pension alimentaire dans la majorité des cas, ce qui reviendrait à dire qu’elles tiennent les rênes de l’institution familiale.
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