Il était une fois, une fée qui avait décidé de passer le temps des Fêtes dans son garde-robe.

Chaque année, l’angoisse de devoir faire face au temps des Fêtes la poussait à s’enfermer dans ce semblant de pièce pour se ronger les ongles au sang.

Cette année, comme chaque année, trois anges descendent du ciel en marchant bien trop fort sur les talons afin de tenter de la sortir de là.

Le premier ange, un bel homme de quarante ans (qui ne met jamais ses assiettes sales dans le lave-vaisselle), s’approche du garde-robe et s’adresse à la fée, sur un ton solennel :

« Madame La Fée, ici l’Ange Belhomme. Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi. Ça fait quelques années que je gère vos crises des Fêtes. C’est moi qui, en 2015, vous a fait sortir du garde-robe en vous promettant une série de photos coquines de Sylvain Marcel. Pas l’acteur, là. Votre voisin qui passe la tondeuse en chest tous les mardis d’été. C’est quoi le problème, cette année ? »

La fée lui explique que, comme bien des gens, le temps des Fêtes lui rappelle la perte d’êtres chers tels que Trident, le joueur d’accordéon du parc de son quartier.

« Ce sera mon premier Noël sans Trident, souffle la fée. Son départ a laissé un vide aussi grand que l’espace entre ses trois seules dents. Il ne me poursuivra plus jamais dans le parc en essayant de me mordre. Il ne me traitera plus jamais de vidange entre deux fausses notes d’accordéon. Bien qu’il m’ap – pelait “Papa”, Trident me considérait comme sa fille. Quand je suis dans le garde-robe, mon deuil n’existe pas. »

L’Ange Belhomme renchérit doucement :

« Si Noël vous rappelle la perte d’êtres chers, confectionnez des répliques grandeur nature et recréez le film Weekend at Bernie’s. Faites comme dans le film: avec les cordes sur les poignets pour faire bouger les bras. Mettez un chapeau rigolo aux poupées et revivez des situations loufoques avec vos feus proches. Mais, de grâce, utilisez des poupées. Ne tuez pas de sosies. »

Les anges attendent, les doigts croisés, que la fée daigne sortir du garde-robe. Voyant que l’Ange Belhomme s’impatiente, car le Téléjournal commence bientôt, l’Ange Pré Adolescente prend le relais.

« Eille, madame la fée, sortez donc, que mon père écoute ses nouvelles ! Le Téléjournal, c’est son petit moment d’homme où il peut avoir l’air du gars qui s’intéresse à ce qui se passe dans le monde avant de s’endormir la main un peu rentrée dans ses culottes. Pis je peux juste écouter TikTok quand il dort alors arrêtez d’être bébé, OK ? »

« Non! Je déteste courir les partys en faisant semblant d’aimer tout le monde, chigne la fée. P’tite douche, pantalon corduroy, deux calmants écrasés dans un verre de vodka pis show time! On s’en va donner des câlins ! C’est pas vrai que je jubile à l’idée d’aller manger d’la tourtière en feignant des sourires à Matante Ghislaine pendant qu’elle me dit, la bouche pleine de biscuits Grissol, qu’il est grand temps de tonifier mes grandes fesses plates. Quand je suis dans le garde-robe, la pression des festivités n’existe pas. »

L’ Ange Pré Adolescente a plus d’une solution dans son sac à sarcasme.

« Vous pourriez hiverner avec une gang d’ours. Le réveil en période d’accouplement printanière va être moins l’fun, mais coudonc, vous éviterez les Fêtes. »

«Il y a aussi l’option de célébrer le Léon, l’Anti-Noël où on fête Noël à l’envers. Comme genre, au lieu de déballer vos cadeaux, de vous réjouir, et de dire “Merci!”; vous ajoutez une couche d’emballage au cadeau, vous pleurez et dites “De rien.” La veille de Noël, vous laissez, près de la cheminée, des biscuits carnivores qui vont manger le père Noël. Et quand vous visitez celui du centre d’achats, au lieu de vous asseoir sur ses genoux pour lui dire ce que vous voulez, vous vous mettez debout sur sa face et lui demandez ce qu’il veut. »