Par Luc Desjardins
Directeur général

C’est un phénomène social qui nous pousse parfois à avoir un comportement paradoxal. On veut à la fois avoir tout, voir tout, comprendre tout, aider tout, partager tout, mais lorsque le tout est à nos côtés, devant nous, le Not In My Backyard (Pas dans ma cour) devient la conclusion facile pour tout. Avons-nous si peur du changement ?

On veut à la fois éliminer les piqueries et le flânage dans nos parcs, repousser les citoyens déconsidérés et les autochtones venus chercher du support. Vous savez, c’est ceux en haut du 56e parallèle qui partent d’un petit village de 400 habitants, qui arrivent dans une métropole pour chercher de l’aide et qui soudainement se ramassent à quêter au coin de Sherbrooke et Parc : un réfugié dans sa propre province.

Rappelons-nous le pied de nez que L’Itinéraire a fait au syndrome « Pas dans ma cour » en décembre 2004 en aménageant au pied du pont Jacques-Cartier ses nouveaux locaux. Treize ans et 2200 vies changées plus tard, la vie de quartier évolue encore, avec ses restaurants et ses condos, et tout cela dans l’harmonie.

Échos et perceptions

J’ai été invité dernièrement par des amis à un « potluck » un beau samedi soir dans une ruelle près de chez nous. Merci, j’ai apprécié la bonne bouffe et le bon vin. Mais mes oreilles m’ont titillé fictivement.

— Tu sais, nous travaillons fort pour que l’image de notre quartier change. La valeur de nos maisons est en hausse, youpi !!! Et j’ai eu ma nouvelle vignette de stationnement.

Oui, je sais, pas évident de se stationner dans votre coin. Votre ruelle est rendue l’extension de votre cour. Et j’ai remarqué que la bouche d’égout est aux couleurs des « Minions ».

Oui, c’est beau, as-tu vu nos concombres, nos tomates ? C’est super. Tout le monde peut en prendre, à condition d’y avoir contribué au préalable. En plus, je t’informe que la piquerie qui était au coin est enfin rendue sur l’autre rue, la situation des vols de nos tomates est réglée.

Vous avez déplacé la situation d’une rue, es-tu certain que ce sont eux qui volaient et non quelqu’un qui avait faim, comme un voisin ?

Et la conversation se transforme tranquillement en une réunion de cuisine, où on échange sur les exploits de nos enfants et le dernier épisode de Game of Thrones, tout en gérant le sort de la communauté autour de l’école du quartier voisin et de ses fameux services d’injection supervisée.

Nous travaillons parfois avec acharnement pour maintenir notre propre qualité de vie, notre sécurité. Pratiquons-nous le YIMBY (Yes in My Back Yard) pour juste bien paraître ou avons-nous un problème de communication et de perception ? Et la sécurité des autres, on en fait quoi ?

Les promoteurs ont parfois tendance à blâmer, à provoquer l’égoïsme et l’incompréhension. Les médias amplifient la réalité ; couvrir les problèmes et les résistances avec insistance, c’est payant. Les gouvernements ont tendance à réagir plutôt qu’à agir. Les groupes impliqués ont une vision à très long terme et oublient le court et moyen terme. Les partis politiques transforment les débats en enjeux électoraux.

Les réactions sociales de résistance face à un projet sont normales et positives. Tout change, sauf le changement. Nous devons nous y faire avec des échanges positifs de non-confrontation, assumer nos responsabilités, avoir de l’écoute, avoir une attitude d’ouverture et de compromis, être ouverts à la concertation. En somme, nous devons être orientés vers les solutions.

Nous oublions trop rapidement qu’avant d’être des consommateurs de drogues dures, des indésirables, des irrécupérables, des dangereux, nous étions des enfants. Comme disait Lao Tseu, « on peut faire des prévisions sur tout, sauf sur le futur ».