Chaque année, L’Itinéraire décerne à ses camelots et participants les Prix de la rédaction pour récompenser les meilleurs textes de l’année publiés dans le magazine en 2018. La tâche, ardue, de sélectionner les lauréats est revenue aux membres du jury, amis de L’Itinéraire : Monique Proulx, écrivaine ; Miville Tremblay, ex-journaliste ; Mario Girard, chroniqueur à La Presse et Ianik Marcil, chroniqueur et économiste indépendant. Chacun a écrit un mot pour expliquer son choix.

Prix Alcatraz

Meilleur Mot de camelot

Lucette Bélanger
La musique
15 octobre 2018

Ianik Marcil écrit :

La musique est la seule forme de création artistique à pouvoir nous accompagner dans toutes les circonstances de notre quotidien, ou presque, grâce à la technologie. Elle accompagne souvent, également, plusieurs étapes de notre existence : petits et grands malheurs, moments heureux et rituels.

Dans son beau texte, Lucette écrit qu’aux côtés de la musique, elle est « comme une naine, donc [qu’elle] peut pénétrer à l’intérieur ». Je trouve qu’elle met le doigt sur un élément fondamental. La musique nous dépasse, comme elle nous enveloppe, nous n’avons pas besoin de tout comprendre pour tout comprendre. Comme Lucette, et comme la plupart d’entre nous, je serais incapable de vivre sans musique. De vieilles chansons françaises me rappellent d’anciennes amours, des sonates de Fauré, d’interminables insomnies, des airs de Coltrane, des soirées au coin du feu, les « tounes » des Bangles, des partys déjantés. En plus de ponctuer des moments importants de nos vies, la musique nous permet aussi d’appréhender le monde, de mieux le comprendre. Parfois explicitement, comme certaines chansons populaires, parfois de manière plus diffuse, instinctive, comme c’est le cas de pièces de musique classique ou de jazz.

La complexité de notre rapport à la musique est grande, et le texte de Lucette le rend parfaitement.

Prix Jean-Pierre-Lizotte

Meilleure chronique libre

Saïd Farkouh
Au revoir Ibrahim
1er mars 2018

Monique Proulx écrit :

Pour nous, ci- toyens choyés d’un pays pacifique, la guerre est une abstraction qui a lieu loin, ailleurs : nous en attrapons des bribes devant nos petits écrans, nous nous émouvons un court instant puis nous retournons à notre insouciance tranquille. C’est la raison pour laquelle un texte comme celui de Saïd Farkouh est si important.

Saïd nous plonge dans la réalité douloureuse de la guerre en Syrie, mettant des visages et des noms sur la dévastation et l’absurdité. Il y avait un quotidien qui ressemblait au nôtre à Homs, la ville d’origine de Saïd. Et des citoyens heureux, et des familles soudées, et de beaux immeubles historiques, et l’électricité, et la télévision. Et des êtres plus grands que nature, ouverts et bons, éduqués et compatissants, tel son oncle Ibrahim, centenaire encore vif, dont Saïd nous dresse un portrait émouvant. Tout cela sera bousculé, anéanti.

Le cœur serré, nous voyons le jeune Saïd se préparer à quitter définitivement sa maison, sa chatte bien aimée, ses livres si précieux, sa terre natale, et son oncle Ibrahim, avec qui le dernier au revoir restera particulièrement poignant.

Pour nous avoir fait voyager, avec force, avec beauté, dans le périple éprouvant de son peuple, nous remercions Saïd Farkouh, et lui décernons le prix Jean-Pierre Lizotte de la meilleure chronique.

Prix Alain-Charpentier

Meilleure chronique culturelle

Yvon Massicotte
Barbada: Une drag queen pas comme les autres
15 avril 2018

Mario Girard écrit :

Les camelots de L’Itinéraire se butent tous les jours aux préjugés du public. Alors, quand l’un de ces camelots décide de donner la parole à quelqu’un qui, dans un tout autre contexte, mène le même combat, cela donne un reportage sensible et touchant. Alors que nos sociétés nagent en plein culte de la célébrité, Yvon Massicotte a choisi de parler d’un artiste qui ne jouit pas d’une grande notoriété. Pourtant, il n’est question que d’art et de passion dans ce reportage. Pour la qualité de l’écriture et l’originalité de son sujet, je crois que ce texte mérite d’être récompensé.

Prix Claude-Brûlé

Meilleur article société

Isabelle Raymond
Appropriation culturelle, casser les stéréotypes
15 juin 2018

Miville Tremblay écrit :

Le rôle le plus important d’un magazine est d’informer et c’est ce que fait brillamment Isabelle Raymond dans son dossier sur l’appropriation culturelle, un phénomène qui a toujours existé, mais qu’on découvre à peine.

Elle nous apprend que cette appropriation survient « lorsqu’un membre d’une communauté dominante utilise un élément d’une culture dominée pour en tirer un profit artistique ou commercial. »
Isabelle examine un aspect de notre relation naïve, ignare et parfois méprisante avec les cultures des Premières Nations et des Inuits.

Elle débute par une petite enquête pour voir d’où viennent les souvenirs « indiens » vendus aux touristes. Ensuite, avec un artiste abénaki, elle cite en exemples des objets culturels autochtones dénaturés pour correspondre aux clichés qui font vendre.

Isabelle s’exprime aussi sur l’artisanat de son père, qui a des origines amérindiennes, même s’il n’a pas grandi dans cette culture. « J’ai une jolie paire de boucles d’oreilles en forme de capteurs de rêve confectionnées par lui, écrit-elle. J’ai du respect pour les autochtones, mais je me demande si porter mes capteurs de rêves en guise de bijoux est un affront à leur culture ? »

Isabelle met le doigt sur une ambigüité : distinguer l’appropriation culturelle d’un emprunt respectueux, d’un métissage heureux.