La crise sanitaire de la Covid-19 interpelle sur la place que nous faisons à la technologie et plus spécifiquement à l’intelligence artificielle. Ce n’est pas pour rien que la Ville d’Ottawa a engagé tout récemment des discussions avec une douzaine d’entreprises à propos d’une application mobile permettant à la Santé publique d’identifier les déplacements d’un individu testé positif à la Covid-19.

Traquer efficacement et rapidement le virus. C’est l’objectif poursuivi par Jean-Philippe Monfet, un développeur québécois originaire du Saguenay avec MATAR-19, une application qui permet à la santé publique de retracer tous les déplacements d’un individu testé positif à la Covid-19.

Basé sur le partage de données volontaire, l’application permet d’identifier précisément les déplacements, au lieu de faire appel à la mémoire dudit individu ou de publier son itinéraire complet avec le concours des médias. « Les personnes seront informées directement d’un potentiel risque à l’endroit où ils seront. L’application permet de conserver les déplacements, de savoir qui on a croisé et à quel moment sans pour autant savoir qui je suis ou divulguer les détails de ma vie privée », vulgarise M. Monfet. « Quelqu’un qui hackerait cette application n’aurait qu’un numéro de dossier qui n’est pas un numéro d’assurance maladie ou d’assurance sociale. Nous partons de données existantes sur un téléphone intelligent qui seront effacées à la fin de toute cette crise sanitaire et qui sont réservées exclusivement à l’usage de la santé publique. »

Mieux outiller la santé publique

Malgré tous les signaux envoyés au gouvernement du Québec, c’est une organisation de santé publique du Canada, hors-Québec, à Ottawa, qui a finalement répondu positivement au chercheur. « La bureaucratie au Québec est paralysante, même en temps de pandémie. On n’agit pas assez en amont pour freiner la propagation », estime Jean-Philippe Monfet. Il prend en exemple une étude publiée le 15 avril dernier par la revue scientifique Nature qui indique que le risque de contagion de la Covid-19 est bien plus élevé avant l’apparition des premiers symptômes.

Au moment d’écrire ces lignes, dans les bureaux de la santé publique du Québec, les équipes traquaient le virus à l’aide de deux outils : un téléphone et un questionnaire détaillé. En bref : lorsqu’une personne était déclarée positive à la Covid-19, on lui demandait de lister avec le plus de détails possibles ses activités pendant les 14 derniers jours en faisant appel à sa mémoire dans le but de suivre pas à pas ses déplacements et de repérer au plus vite les autres personnes possiblement infectées. Une réelle course contre la montre basée sur les failles de la mémoire humaine.

Jean-Philippe Monfet soutient que sa solution ne diffuse pas les données personnelles des utilisateurs, « elles sont seulement conservées dans leur cellulaire pour faciliter le travail du personnel de santé s’ils veulent vérifier les risques de propagation du virus ». Exit donc les enquêtes verbales et la tentation de ne pas divulguer aux autorités sanitaires les véritables informations. L’ingénieur rappelle qu’il peut être difficile de se souvenir de tous les lieux fréquentés pendant 14 jours et que la plupart de nos téléphones intelligents enregistrent déjà nos déplacements. Et, à la différence de Facebook, « il n’existe aucune base de données centralisée ».