Depuis le 14 février, le public québécois est invité à voir MAFIA INC , un film de gangsters qui se passe à Montréal, dans les années 1990. Deuxième collaboration avec Podz après L’affaire Dumont en 2012, Marc-André Grondin n’y joue pas le rôle du bon gars, au contraire. Ce qui ne nous empêche pas de nous attacher au personnage. Tout un défi, comme nous l’explique le comédien de 35 ans.

C’est la deuxième fois que tu travailles avec Podz. Qu’est-ce que tu apprécies chez ce cinéaste et comment se passe votre collaboration ?

C’est un vrai cinéphile. Un vrai artiste de cinéma. Il a une vision hyper intéressante. Il a un rythme dans la façon qu’il tourne et surtout, il fait un casting qui est souvent atypique. Dans MAFIA INC, entre autres, il y a beaucoup de gens qu’on n’a jamais vus ou qui jouent pour la première fois.

Podz va caster du monde ben intéressant, ben différent, puis souvent il va faire des contre-casting. Quand il m’avait casté dans L’affaire Dumont, je ne ressemblais pas au personnage. On n’aurait pas pensé à moi normalement pour jouer ce rôle, mais lui, il s’en foutait. Il disait : « Je sais que t’es capable d’emmener quelque chose. Je sais que t’es capable de faire le personnage. On te déguisera s’il le faut ». C’est rare qu’on a la chance de faire ça. Ça permet de faire des projets super intéressants, avec des personnages qui sont riches, qu’on peut vraiment construire et qui sont vraiment différents de ce qu’on est dans la vie réelle.

Au Québec, on n’a pas une culture de rôles de composition. On te donne des lignes et puis on te dit : « Dis-les dans tes mots, il faut que ça sonne vrai ». Mais là, Podz te donne des partitions qui sont complètement différentes de ce que t’es. Ça te permet vraiment de t’abandonner, puis d’essayer des affaires vraiment pétées. Dans L’affaire Dumont, on a trouvé un ton qui était vraiment décalé. On s’est inspiré du gars sur qui l’histoire était basée pour vraiment se taper un trip de jeu. C’est rare qu’on a la chance de faire ça. Les réalisateurs ont souvent peur. Tu veux un bum, on va te trouver quelqu’un qui a l’air d’un bum. Tu veux un beau gars, tu vas trouver un beau gars. Podz, souvent, il casse ça. Il va chercher quelqu’un de ben différent et c’est vraiment tripant. C’est un beau cadeau pour un acteur.

Ton personnage est directement responsable de la mort de plusieurs enfants. Comment as-tu réagi lorsque tu as lu cette scène qui se trouve au tout début du film ?

En fait, quand je l’ai lue, on ne le savait pas dès le départ. Ç’a été réarrangé au montage. Avant, on l’apprenait plus tard dans la deuxième moitié du film. On s’en doutait un peu, mais c’était bâti différemment. C’est fou, mais je trouve ça hot. (rires) Je trouve que ça donne une dimension vraiment intéressante au personnage. On commence le film en présentant le personnage comme un fou qui commet un acte horrible. Le défi, c’était de faire en sorte qu’au fil du film, le public s’attache à lui quand même, l’aime quand même, prend pour lui. Et ça, c’est un ostie de défi quand tu te fais dire que le gars tue 16 enfants, mais qu’il faut qu’on l’aime quand même . Ça, évidemment, c’était sur papier. Il fallait juste pas trop faire de fausses notes. Ce sera probablement la seule fois dans ma vie que je vais jouer quelqu’un qui a tué 16 enfants, donc il fallait en profiter.

Afin de pouvoir incarner adéquatement le rôle de Vince, as-tu besoin de trouver des justifications aux gestes immoraux de ton personnage ?

Oui et non. Je pense qu’il faut aimer son personnage, il faut y croire, mais il ne faut pas nécessairement être d’accord avec tout ce qu’il fait. Il faut comprendre pourquoi il le fait. Je suis fan de documentaires et il y a une série que je regardais par hasard quand on faisait la préparation du film qui s’appelle I Am a Killer sur Netflix. Il y a un cas par épisode. Ce sont des gens qui sont dans le couloir de la mort pour des crimes qu’ils ont commis. Y’en a qui sont vraiment des psychopathes, mais d’autres qui ont pogné une mauvaise chire dans leur vie et qui ont commis un acte, un meurtre, un soir. Y’a toujours quelque chose qui revient dans toutes ces entrevues : c’est des gens qui viennent d’une famille difficile, qui ont eu un père absent, une mère qui a des problèmes de consommation. Ils ont eu beaucoup d’abus dans leur vie. Ça n’excuse absolument pas ce qu’ils ont fait, mais j’ai beaucoup d’empathie pour les gens qui sont le résultat de leur milieu familial. La vie, c’est une loterie. Tu tombes dans telle famille, dans tel pays, dans telle époque et ce n’est pas tout le monde qui se fait donner des outils pour pouvoir bien évoluer dans la société qui est vraiment tough.

Alors pour Vince dans MAFIA INC, je trouvais intéressant qu’on vienne à comprendre à travers le flashback, d’où il vient et pourquoi il est comme ça. Il a eu une enfance qui n’était pas évidente et il a manqué de certaines choses. Éventuellement, les « méchants », la mafia, lui ont ouvert les bras et lui ont donné ce dont il avait besoin. Si ses parents lui avaient ouvert les bras, il n’aurait sûrement pas commis ces crimes. J’ai fait quelques personnages qui ont soit commis des meurtres ou des trucs comme ça, mais aussi des gens qui ont été faussement accusés, et j’ai beaucoup d’empathie pour le milieu du crime et le milieu carcéral. Parce que je trouve qu’il y a une réhabilitation possible et il faut juste avoir de l’humanité, de l’empathie et de l’écoute pour essayer de comprendre la personne. C’est facile de dire : « T’as tué quelqu’un, t’es une mauvaise personne ». Mais, pourquoi t’as tué cette personne ? Qu’est-ce qui a fait en sorte que t’es devenu comme ça ? Ça me touche beaucoup et il y a ça dans MAFIA INC. Alors, même si je ne justifiais pas ses actes, je pouvais au moins comprendre le mécanisme qui a fait en sorte qu’il s’est retrouvé à faire ça.

Marc-André Grondin et le camelot Jean-Claude Nault

Marc-André Grondin et le camelot Jean-Claude Nault. Photo : Cindy Boyce