À plein temps
Éric Gravel, 85 minutes, France, 2022

Une mère dort, un cadran sonne. À la radio, les nouvelles d’une grève de transport illimitée à Paris et sa région annoncent une course effrénée contre la montre pour Julie. À temps plein plonge dans la vie d’une mère prise dans le tourbillon de ce que les réalités du travail et de la monoparentalité peuvent imposer de plus dur lorsqu’un grain de sable vient bouleverser les rouages d’une vie millimétrée.

À plein temps, c’est le dernier film d’Éric Gravel, un réalisateur québécois inspiré de ses souvenirs d’enfance passée auprès d’un père monoparental, et du rythme de ceux qui vivent en périphérie des grands centres, comme son personnage, Julie Roy, qui habite le même village français que le réalisateur, à deux heures de transport de Paris.

L’angoisse

Le titre du long-métrage sorti en 2022 colle à l’histoire: travail et rôle de mère remplissent la moindre parcelle de temps qu’offre une journée. Mais tout se complique à l’annonce d’une grève illimitée des transports en commun. S’il serait légitime que Julie s’absente de son travail faute de pouvoir s’y rendre, elle ne peut risquer de perdre son emploi avec deux enfants à charge. D’ailleurs, tout ce que fait le personnage dans ce film est avant tout pour ses enfants.

Les images défilent aussi vite que le train qui mène Julie au cœur de son palace parisien où elle occupe l’emploi de première femme de chambre. Doublée d’une musique électronique, de péripéties et d’une montée d’imprévus à gérer, l’angoisse se fait sentir chez le spectateur. On se fait prendre dans l’histoire au point de la vivre à la place de l’héroïne avec en arrière pensée: « Ouf! Je suis bien content.e que cette vie ne soit pas la mienne ».

Parce que personne ne veut vivre ce que vit Julie. Être au bord du précipice. Avoir à gérer le stress d’une perte d’emploi, celui de devoir enlever les jouets de son panier de courses pour pouvoir payer les céréales de ses enfants. Le tout en protégeant autant que possible ces derniers d’une réalité insensée.

La mère-pieuvre

Délibéré ou inconscient, Éric Gravel a fait le choix d’offrir à son personnage principal un passé de chargée de projet en économie et une formation universitaire de second cycle, comme pour spécifier que cette situation peut arriver à n’importe qui.

Plusieurs mères monoparentales se reconnaîtront sûrement dans ces scènes de la vie quotidienne: étendre le linge tout en se lavant les dents, déposer les enfants tôt le matin, les récupérer tard le soir.

Dans ce film d’action à caractère social, la réalité de tout gérer est un défi journalier, charge mentale et déclin de la santé mentale compris. Ce drame rend bien compte de la fatigue de certaines mères monoparentales qui manquent de soutien, d’argent, de repos, mais aussi de leur débrouillardise et de leur résilience.

Des «mères-pieuvres», auxquelles rend magnifiquement hommage Laure Calamy dans le rôle principal.

Suggestions de MEDIAFILM

Les Temps modernes Charlie Chaplin, 89 minutes, États-Unis, 1935

Comédie satirique de Charlie Chaplin avec Charlie Chaplin, Paulette Goddard, Henry Bergman. Les mésaventures d’un ouvrier d’usine rendu fou par le travail à la chaîne. Chef d’œuvre du cinéma comique. Charme et humour constants. Gags visuels particulièrement inventifs. Charlot à son meilleur.

 

Parasite Bong Joon-ho, 132 minutes, Corée du Sud, 2019

Drame de mœurs de Bong Joon-ho avec Choi Woo-sik, Cho Yeo-Jeong, Song Kang-ho. Une famille de chômeurs s’immisce dans la somptueuse demeure bourgeoise d’une mère au foyer très crédule. Farce sociale cynique glissant vers le macabre. Récit imaginatif. Quelques idées laissées en plan. Mise en scène peaufinée et évocatrice. Interprétation sans faille.