Par Yseult Picard

Vérification faite: les travailleuses et travailleurs sont bel et bien au boulot. La pénurie est réelle, il n’y a pas assez de travailleurs. Aujourd’hui, il y a 225000 postes à combler et dans moins de dix ans, ce chiffre va s’élever à 1400000.

La raison: moins de jeunes entre 15 et 34 ans et plus de retraités.

« Il va falloir repenser comment on recrute », explique le sociologue Mircea Vultur qui s’intéresse à la signification du travail, particulièrement chez les jeunes. Ce manque de main-d’œuvre a commencé il y a 10 ans dans les secteurs de la construction, de l’hébergement, de la restauration et du transport. « Ça ne date pas d’hier », constate-t-il.

Dit simplement, la Covid est arrivée, il y a eu moins de clients, les patrons ont coupé en premier les postes plus précaires, moins rémunérés, à temps partiel, saisonniers, etc. Conséquence: ces postes sont difficiles à remplir à nouveau puisqu’il y a de moins en moins de main-d’œuvre disponible. Notre population vieillit: les jeunes de moins de 34 ans représentent 24% de la population du Québec contrairement à 35% en 1986. Une diminution de 16,6% du nombre de jeunes en 30 ans.

OBNL : Une chasse aux travailleurs
Par Karine Bénézet

S’il est vrai qu’initialement, la mission d’utilité sociale des organismes est un atout majeur au recrutement, ça ne suffit plus. Le marché du travail change. Les organismes à but non lucratif font aujourd’hui des pieds et des mains pour combler leurs rangs, dans un contexte chamboulé par la crise sanitaire, l’inflation et la pénurie de main-d’œuvre. Une situation qui donne des maux de tête aux dirigeants des organismes, qui essaient coûte que coûte de rester compétitifs dans cette chasse aux travailleur.euse.s.

« Idéalement, il faudrait passer de 75 à 110 employés », explique en entrevue Marina Boulos-Winton, la directrice générale du refuge pour femmes Chez Doris, lorsqu’elle parle de l’ouverture de trois nouveaux sites d’hébergement d’urgence et permanent prévus d’ici fin 2022. En tout, ce sont près de 70 lits, dont environ 46 logements permanents qui seront offerts à des femmes vulnérables. Une bonne nouvelle en pleine crise du logement, mais qui nécessite environ 35 travailleur.euse.s de plus.

Que veut dire travailler aujourd’hui ?
Par Simon Bolduc

Dans son livre Travail et temps, le philosophe René Bolduc pose la question: qu’est-ce que travailler ? Ne prétendant pas avoir la réponse à cette question complexe, avise-t-il au début de son « essai exploratoire », il pose toutefois les bases pour réfléchir au monde du travail d’aujourd’hui.

L’ex-professeur de philosophie au cégep Garneau de Québec en a vu des étudiants assis sur les bancs de sa classe, réfléchissant à la place qu’ils veulent occuper dans le monde, le travail qu’ils veulent faire plus tard, le sens qu’ils veulent donner à cedit travail, ou pas. Au fil des 212 pages publiées chez les éditions Poètes de brousse, un constat s’impose: on s’éloigne de l’idéalisation du travail comme sacrifice et productivité, et on s’oriente plutôt vers l’économie du temps, la quête de sens et de l’accomplissement individuel.

« Ça veut dire quoi travailler ? Certains considèrent ça très largement, comme dire que chercher du travail c’est du travail, ou d’aller s’occuper de son jardin et cueillir ses tomates c’est du travail, dit d’entrée de jeu le tout nouveau retraité. D’autres le voient comme une production de quelque chose où tu ne décides pas du cadre, tu reçois un salaire en échange de ce que tu produis. La réalité du travail est multiple.»