Tous les parents le confirmeront : l’arrivée d’un enfant change tout. S’ils peuvent être courts, longs ou partagés, les congés de maternité, de paternité ou parentaux, tels qu’ils existent au Québec, ont de quoi faire des envieux. Des réflexions plus que jamais d’actualité alors que le gouvernement Legault effectue une réforme sur le droit de la famille.

Sur sa table à langer, Flavie, six mois, échange des regards complices avec son père, Vincent Dionne. « On communique beaucoup par le non verbal. Si on partage ces moments, c’est parce que je suis à la maison depuis sa naissance », confie-t-il sous le regard attendri de sa conjointe, Audrey Simard.

La parentalité n’a pas toujours été une évidence pour ce couple de trentenaires. Pendant très longtemps, Audrey ne voulait pas donner naissance et visait plutôt l’adoption. Et puis, à force de discussions, la maman de 37 ans a changé d’avis. « Ça a pris trois ans et demi avant que cela fonctionne. J’ai pu confronter mes peurs et mes craintes et en discuter avec Vincent. Une de mes conditions était qu’il reste avec moi à la maison. Je ne voulais pas me retrouver seule avec Flavie, au bout de ses cinq semaines de congé de paternité. »

Quand Flavie est enfin arrivée dans leur vie, les jeunes parents ont eu le temps de se préparer émotionnellement, mais aussi financièrement. À deux, ils ont établi un budget familial viable sur un an, leur permettant cette nouvelle vie de parents à la maison.

Année sabbatique

Le couple se dit chanceux d’avoir pu réaliser ce projet parce qu’une telle option n’est pas envisageable pour toutes les familles. « Si certains ne pensent pas à cette possibilité, dans la majorité des cas, c’est une question de finances. En faisant cela avec Vincent, nous sommes devenus des privilégiés de la société », explique Audrey Simard.

Car prendre congé du travail pour s’occuper des enfants, cela signifie renoncer à un pourcentage conséquent du revenu familial, et dans certains cas, devenir quasiment dépendant du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) ou des allocations familiales, lorsqu’elles sont présentes.

Avant de mettre leurs vies professionnelles en sourdine, Audrey travaillait dans le communautaire tandis que son conjoint était programmeur et concepteur de jeux vidéo. Les employeurs de Vincent n’étaient pas vraiment habitués à dealer avec une telle demande.

Pour la plupart des entreprises, c’est le congé de paternité de cinq semaines qui reste commun. « Administrativement, cette demande a été enregistrée comme une année sabbatique, sans solde donc. Mais nous avions prévu le coût », raconte le papa qui a, en quelque sorte, ouvert la voie à une autre vision de la paternité. « Quand j’ai annoncé que je partais un an aux collègues, j’ai vu des mâchoires tomber par terre, pas forcément négativement, au contraire. Beaucoup m’ont dit que si c’était à refaire, ils le feraient. »