PARIS
La Goutte d’Or face à la Covid-19

par Camille Teste
correspondante à Paris pour L’Itinéraire

Au nord de Paris, la Goutte d’Or n’est pas un quartier comme les autres. Cosmopolite, populaire et animé, il est un monde en soi. Face à la pandémie, ses habitants s’organisent.

En temps normal ici, la musique forte des coiffeurs afro résonne dans les rues et rythme le mouvement du marché Dejean. Les restaurants marocains ou sénégalais ne désemplissent pas, et l’on vient de loin pour faire les courses dans les épiceries congolaises, ivoiriennes ou camerounaises, qui proposent des produits difficiles à trouver ailleurs.

Malgré des problèmes d’insécurité plutôt habituels dans les quartiers populaires à forte densité de population, la Goutte d’Or est un modèle historique de vivre ensemble. Aux ouvriers et artisans locaux qui peuplaient le quartier au 19e siècle, se sont ajouté des Juifs ashkénazes qui fuyaient les pogromes.

Avec eux naît une tradition textile dans le quartier, qui sera pérennisée par les couturiers originaires d’Afrique de l’Ouest qui l’investissent à partir de 1970. Entre temps, de nombreux Maghrébins, arrivés après la Seconde Guerre mondiale, s’y installent également, suivi, à partir des années 2000, par des Blancs sensibles aux prix attractifs des logements qui, dans le reste de Paris, sont devenus inabordables.


TANGER
Les oubliés de Tanger

par Félix Lançon
correspondant à Tanger pour L’Itinéraire

Dans le nord du Maroc, la ville de Tanger compterait plus de 8000 sans-abri. Tout un monde qui se prend de plein fouet les mesures de confinement en vigueur depuis le 20 mars partout dans le Royaume. Des mesures impossibles à respecter quand on vit dans la rue, quand on y dort aussi.

Avant la Covid-19, ils étaient des dizaines à passer la nuit sous ses grandes alcôves crénelées. Ce matin de mai, ils ne sont qu’une poignée au pied de la mosquée Mohammed V. Tous endormis, emmitouflés dans des couvertures rapiécées, un carton détrempé comme matelas de fortune.

Ces dalles humides, ils y reviennent mécaniquement pour y passer des nuits courtes, agitées de descentes policières souvent musclées. Parce qu’ils n’ont de toute façon pas d’autre endroit où aller, ici au moins la pluie battante ne les atteint que par à-coups. Loin au-dessus de ces formes invisibles, des haut-parleurs hors d’âge plantés en haut du minaret crachent le chant du muezzin.


MILAN
L’espoir d’un temps nouveau

par Josée Panet-Raymond

Il y a quatre mois, les yeux du monde entier étaient tournés vers l’Italie où la Covid-19 s’était répandue comme un feu de brousse et avait fait un nombre choquant de victimes, surtout dans le nord du pays. À ce jour, on compte dans la grande botte quelque 60 000 morts, dont plus de 15 000 en Lombardie.

C’est dans cette région du pays, à Milan pour être plus précis, que se trouve le siège du magazine de rue Scarp de’ tenis*. En avril dernier, nous avons parlé à Stefano Lampertico, l’éditeur de la publication vendue dans la rue par des camelots, tout comme L’Itinéraire. À l’instar de tous les journaux de rue du monde, la pandémie a renvoyé les camelots chez eux (pour ceux et celles qui avaient un chez-soi) et la vente dans la rue a été suspendue.

« Nous sommes en confinement depuis le 28 février, informait alors Stefano. Les impacts sur les gens sont terribles. Ils en ont marre, surtout ceux qui vivent dans des petits logements. Tout est fermé. On a du mal à s’approvisionner à l’épicerie quand on fait nos courses en ligne. À Milan, c’est le calme plat, c’est un désert depuis le début mars, disait-il. Le métro est fermé. On ne peut presque pas sortir. Et quand je descends porter les déchets, je porte masque et gants tellement je crains ce virus. »