Josée Panet-Raymond
Rédactrice en chef

Bonne nouvelle ! Le taux de chômage au Québec n’a pas été aussi bas depuis des décennies. On peut donc réalistement parler de plein-emploi. Moins bonne nouvelle cependant : la pénurie de main-d’œuvre qui sévit dans divers secteurs du marché du travail s’accentue. Les plus vieux partent à la retraite, il n’y a pas assez de jeunes pour combler tous les postes et les travailleurs qualifiés manquent à l’appel.

Nous en sommes là dans le grand cycle démographique. Ça fait des années qu’on en parle, mais la réalité éclate aujourd’hui. La génération des baby-boomers, soit une personne sur cinq au Québec, a atteint et a même dépassé l’âge de la retraite, selon les barèmes établis par le gouvernement. En effet, jusqu’à tout récemment, à 65 ans, on arrêtait généralement de travailler pour se la couler douce, voyager, s’adonner à des loisirs, s’occuper des petits-enfants et jouir des années menant vers la grande vieillesse.

Pour le temps qu’il nous reste

Mais la donne a changé. Aujourd’hui, on vit plus vieux, on atteint les 85-90 ans souvent en bonne santé et encore capable de contribuer à la société. D’ailleurs, de plus en plus de gens qui ont pris leur retraite à 55-65 ans retournent sur le marché du travail ; soit qu’ils s’ennuient ou soit que leur situation financière est devenue précaire.

Et il faut se demander : que faire de toutes ces années qui restent ? Que faire de toute cette expérience de travail et de vie accumulée ? Beaucoup ont compris qu’il faut une raison de se lever le matin, d’être utile et de participer activement à la vie économique et sociale du Québec. Redonner à la société et à ceux qui suivent. D’autres s’en rendent compte seulement lorsque leur qualité de vie diminue avec le désœuvrement et les finances amoindries.

Bien sûr, à 60, 65 ou 70 ans, l’énergie et le goût d’abattre des semaines de 40 heures ne sont plus au rendez-vous. Mais travailler quand même l’est. On préfère travailler moins et ainsi profiter de quelques jours de la semaine pour profiter de loisirs et de repos.

Bon nombre de préretraités ont opté pour la formule de réduction des journées travaillées. Règle générale, les sexagénaires travailleront quatre journées plus longues, pour pallier le manque à gagner salarial et s’accorder une journée de congé de plus.

Vers la semaine de trois jours ?

Une amie de 66 ans en est là, elle travaille quatre jours, mais aimerait bien réduire sa semaine de travail à trois jours. Son entreprise acceptera-t-elle cette proposition ? Si oui, cela impliquera un réaménagement au sein de l’équipe de travail, une répartition des salaires, une nouvelle façon d’opérer, tant au niveau organisationnel que financier.

Elle est un exemple, mais combien de travailleurs sexagénaires se retrouvent dans cette situation ?

Peut-être un grand changement dans ce sens s’effectuera tout naturellement, avec la pression démographique qui l’imposera.

Chose certaine, on en discute depuis déjà plusieurs années. Parmi les adeptes de ce nouveau monde du travail, le géant des télécoms mexicains, Carlos Slim, le deuxième homme le plus riche au monde, avance, dans un article du Figaro (2014), que les gens vont être obligés de travailler plus longtemps, jusqu’à leurs 75 ans. Il serait donc préférable qu’ils fassent des semaines de trois jours, à raison de 11 heures par jour. Selon lui, cela engendrerait une « force de travail plus saine et plus productive, tout en abordant les problématiques liées à la longévité ».

L’idée n’est pas nouvelle. Déjà en 1930, l’économiste britannique John Maynard Keynes proposait la semaine de 15 heures. Par contre, il estimait que les gens s’ennuieraient tellement qu’il faudrait répartir le travail autrement.

Nous en sommes là. Comment arriverons-nous à répartir les journées de travail pour les plus âgés, tout en laissant aux jeunes toute la place qui leur revient ?

Et c’est sans oublier les laissés pour compte de la société, ceux et celles qui sont traditionnellement éloignés du marché. Ces hommes et ces femmes arrivent de plus en plus à se réintégrer grâce aux entreprises d’économie sociale. Une force économique de plus en plus présente au Québec et dans le monde.

Le dossier de cette édition fouille toutes ces questions et propose quelques pistes de solutions.

Un merci spécial à l’ex-journaliste de La Presse, Miville Tremblay, spécialiste du monde de la finance et bénévole à L’Itinéraire ainsi que à notre fidèle collaborateur et économiste indépendant, Ianik Marcil d’avoir contribué à ce dossier.