Si vous viviez de l’aide sociale, le crieriez-vous sur tous les toits ? Selon un sondage sur la perception qu’ont les Québécois.e.s de la Charte des droits et libertés de la personne, réalisé en 2015, « La condition sociale est le motif le plus associé à une forme d’intolérance ou de méfiance sociale » au Québec. Un constat qui a « surpris » la communauté de chercheurs, décrit Normand Landry, professeur à l’université TÉLUQ et co-réalisateur de l’exposition Nous : Portraits de l’assistance sociale. Présentée depuis le 14 septembre à l’Écomusée du fier monde, cette exposition tend à réduire les préjugés dont pâtissent les personnes que l’on nomme encore trop souvent « les BS ».

On pourrait s’attendre à de simples portraits serrés de personnes assistées sociales, accompagnés de récits de vie écrits au « je ». Mais non. L’exposition Nous : Portraits de l’assistance sociale va plus loin que ça. Entre exercice de vulgarisation scientifique réalisée avec brio et scénarisation interactive, cette exposition se veut un outil d’autoréflexion. Plus encore « il s’agit d’amener [la question des préjugés envers les assistés sociaux] dans le débat public », décrit Normand Landry, titulaire de la chaire de recherche du Canada en éducation, médias et droits humain, à trois mois du 20e anniversaire de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Les mots

Tout commence par cette secousse provoquée, quelques années plus tôt dans le milieu de la recherche, par les résultats du sondage sur l’adhésion des Québécois.e.s aux grandes valeurs de la Charte québécoise des droits de la personne. Parasites, fraudeurs, pourris… « Les gens en situation de pauvreté font l’objet d’un stigmat très très fort au Québec, plus particulièrement les personnes assistées sociales, jugées le groupe le plus sujet à discrimination. » Un fait qui ne faisait alors pas partie des grands débats de l’heure en 2015, mais qui a eu pour effet d’ouvrir un nouvel agenda de recherche. « On a voulu creuser la question, raconte le professeur. On s’est demandé quelle était la nature précise des représentations que les Québécois ont à l’égard des personnes assistées sociales ? » Après quatre ans de recherche, la rencontre de 14 groupes de lutte à la pauvreté dans sept régions, 105 personnes assistées sociales interviewées, des milliers d’articles de journaux analysés et sept publications scientifiques, l’idée de regrouper l’ensemble des résultats qui affinent la question des perceptions dans une exposition accessible et ludique est née.

La boîte aux préjugés

Dans la boîte aux préjugés, un rideau se dresse devant nos yeux. Là, un écriteau averti les âmes sensibles : « Les préjugés sont durs, vous êtes libres de passer votre chemin ». On découvre alors un mur de mots dédaigneux qui surnomment les personnes assistées sociales pourtant souriantes sur les portraits tirés. En poussant le regard plus loin, on prend conscience de l’ampleur de la « sévérité des Québécois à l’égard des personnes assistées sociales », décrit le chercheur, même une fois informés des vrais coût de l’assistance sociale. « Un chèque pour une personne seule c’est environ 730 $, mais la plupart donneraient moins que ça encore pour une personne seule jugée apte à l’emploi. » Une dure réalité peu exprimée, qui « met la table pour des discussions liées au degré d’incompréhension des réalités et des chemins des personnes », poursuit l’expert.

Les multiples facettes de l’assistance sociale

Pourquoi en arrive-t-on à demander l’aide sociale ? Une question qui trouve de multiples réponses livrées à travers des chiffres et des récits de vie, éveillant ainsi les consciences à la diversité des parcours. Et pour creuser un peu plus encore, l’exposition prévoit des modules interactifs, des jeux, qui permettent de tester son propre « degré de vulnérabilité, les facteurs de risques et de protections » ou encore les éléments qui composent son filet social. L’idée derrière ça ? « Se rendre compte que ça peut arriver à tout le monde », explique Isabelle Pelletier, spécialiste en communication visuelle de l’université TÉLUQ, chargée de donner vie au contenu de l’exposition.

Précarité et sacrifices

Un titre de transport mensuel ou une épicerie ? Quelques pas plus loin, on plonge dans le précaire quotidien des personnes qui n’ont d’autres choix que de sacrifier certaines dépenses et moments de joie pour pouvoir se nourrir, se vêtir, se loger. Un contenu terre-à-terre, coconstruit et validé avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté « expert des programmes, des enjeux et de la réalités des gens », précise M. Landry qui décrit cette collaboration comme un véritable partenariat.

Carte d’inclusion

Après avoir passé les étapes du casse-tête et des règles administratives auxquelles les bénéficiaires des programmes d’aide sociale doivent se confronter pour déposer une demande d’aide, l’exposition propose un exercice de cartographie sociale. « On invite les gens à prendre conscience de leur revenu, à se rendre compte des lieux auxquels ils ont accès grâce à ces revenus » et à comparer leur situation avec celle des moins nantis, informe Isabelle Pelletier.