La crise inflationniste actuelle fait gonfler les prix et affecte durement les plus vulnérables d’entre nous. Qu’en est-il lorsque, avant même de budgéter, on n’arrive pas ? On fait quoi ?

Rien qui ne balance

Au Québec, un adulte bénéficiaire de l’aide sociale, sans contrainte à l’emploi, reçoit 681$ par mois. On ajoute un maigre ajustement de 45$ qui gonfle la cagnotte à 726$. Ils sont actuellement près de 58000 personnes dans cette situation. Alors que plusieurs peinent à joindre les deux bouts, survivre avec ce montant relève du miracle, souligne Olga Cherezova, conseillère budgétaire et responsable du Fonds d’entraide de l’Est de Montréal à l’Association coopérative d’économie familiale de l’Est (ACEF).

« Budgéter, c’est un grand mot. Tu sais que tu n’arrives pas en partant. Il faut se tourner vers les ressources communautaires. C’est sûr qu’on invite les gens à explorer les organismes autour d’eux, comme les banques alimentaires et les programmes d’allocation au logement. Mais il faut être organisé, il faut remplir des formulaires, se déplacer, etc. C’est une job à temps plein !», affirme Mme Cherezova.

La pire crise inflationniste depuis 1983, conjuguée à la pandémie et à la guerre en Ukraine, a causé une flambée des prix. Le bœuf coûte 17% de plus qu’il y a un an, le poulet 10%, les produits laitiers et les œufs, 7 %, rapportait Statistique Canada à la mi-mars.

Conséquence circonstancielle, on enregistre une hausse des vols à l’étalage, signalent l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA) et l’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec (AMDEQ).

Le 500$

Dans le dernier budget provincial déposé à la fin du mois de mars, le gouvernement caquiste s’est félicité d’aider concrètement les Québécois en cette période difficile. Le ministre des Finances, Éric Girard, annonçait un montant de 500$ pour les personnes qui touchent un revenu net inférieur à 100 000 $. Ce montant est disponible à condition de remplir sa déclaration de revenus pour l’année 2021.

Si ce montant s’avère insuffisant, il cible surtout les mauvaises personnes, estime Mme Cherezova. « C’est inéquitable ! De 12 000 $ à 100 000 $ comme tranche de revenu ? Le même 500 $ ? Ça ne fonctionne pas, dit-elle. Disons que ça peut aider ponctuellement certaines personnes, mais cet argent va probablement servir à éponger un déficit déjà existant. Ça ne va pas agir en lien avec l’ inflation. Un montant de 500 $ pour une année, ça ne tient pas. C’est 40 $ par mois. »

Il faut aussi s’attarder aux détails de ce soutien financier pour comprendre que certaines personnes à faibles revenus n’y verront que du feu. Revenu Québec, en vertu de la Loi sur l’administration fiscale, prendra ce montant pour payer une dette contractée envers l’État par le prestataire, s’il y a lieu, avant de le créditer. « Ainsi, nous pourrons utiliser le montant du crédit d’impôt pour rembourser ou réduire votre dette », peut-on lire sur le site de l’institution provinciale.

Quelque 44000 prestataires sociaux ont le gouvernement provincial comme créancier. Ces personnes ne verront pas, ou en partie seulement, la couleur de cet argent. Ce sont pourtant elles qui sont les plus durement touchées par la crise inflationniste.

Encore faut-il produire sa déclaration de revenu. Car, selon Revenu Québec, 3% des Québécois, pour une raison ou une autre, ne produisent pas de déclaration d’impôt.

La pauvreté a un prix

Vivre dans la précarité, ne pas manger à sa faim, peiner à se loger, se chauffer comme on peut — et quoi encore? — tout ça à un coût social, comme l’explique le Front commun des personnes assistées sociales du Québec (FCRASQ). D’après le regroupement, on estime à près de 16 milliards $ par année le coût que représente la pauvreté.

Le Groupe canadien de travail sur la malnutrition (GCTM), pour sa part, chiffre à près de 2 milliards$ par année le coût de la sous-alimentation au pays. Un patient sur deux admis à l’hôpital est malnutri, selon le GCTM. On compte entre 1500$ et 2000$ de plus par séjour d’hospitalisation pour un patient en carence alimentaire.

De plus, les gens ayant un revenu insuffisant, vivent du stress perpétuel, selon Mme Cherezova de l’ACEF de l’Est. « Ils vivent toujours la peur du manque et de l’imprévu. Une précarité de plus, c’en est une de trop! Sans compter le nombre de dépressions non-diagnostiquées chez ces personnes », ajoute-t-elle.

Un revenu minimum garanti

Le Programme de revenu de base (PRB), annoncé par Québec, qui entrera en vigueur en 2023, prévoit des prestations supérieures au seuil de pauvreté pour les personnes ayant une contrainte sévère à l’emploi.

Selon le FCPASQ, ce programme remplit que très partiellement sa mission. Il touchera près de 84000 adultes contraints à l’emploi, alors que c’est près de 810000 personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, sans égard à leur situation sociale.

Dans un communiqué émis l’automne dernier, le FCPASQ interpellait le gouvernement afin que ces dispositions soient élargies à l’ensemble des personnes en situation de pauvreté. Une étape importante pour « tendre vers la fin des contrôles et des coupures de prestations enfonçant les personnes dans le cercle vicieux de la pauvreté et réduire les conséquences tant humaines que financières [de celle-ci] », peut-on lire, entre autres, dans le plaidoyer.